Kumba Yala, le retour

L’ex-homme fort du pays se lance dans la bataille de la présidentielle de mars prochain. Au risque de compromettre la transition en cours.

Publié le 24 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

A l’approche de la présidentielle de mars 2005, le président bissauguinéen Kumba Yala, renversé le 14 septembre 2003 par un coup d’État militaire, souhaite reprendre ses activités politiques et, pour ce faire, ne plus être assigné à résidence. Sans attendre, il a organisé le 11 janvier, dans le plus grand secret, un conclave « décisif » avec au moins vingt-sept barons du Parti de la rénovation sociale (PRS, sa formation politique), dans sa résidence de Barrio international, à la lisière nord de Bissau. Ce jour-là, trois questions étaient à l’ordre du jour : l’élection, les alliances et son retour.
L’ancien chef de l’État y songe depuis que, en mars 2004, son parti était arrivé en deuxième position aux législatives avec 35 sièges, derrière le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et des îles du Cap-Vert (PAIGC, 45 sièges). Revigoré par ce résultat, Kumba Yala – en tenue traditionnelle, avec son éternel bonnet rouge bordeaux vissé sur le crâne – a suggéré à ses amis d’opérer un rapprochement avec le Parti uni social-démocrate (PUSD) de l’ancien Premier ministre Francisco José Fadul, d’ailleurs candidat à la prochaine présidentielle. Une telle alliance, si elle venait à se concrétiser, créerait un mouvement politique incontournable et, surtout, jetterait les bases du « Tout sauf Sanha ». Ce dernier, Malam Bacai Sanha, candidat du PAIGC, est considéré, à tort ou à raison, comme proche des militaires putschistes.
De son éventuel – et problématique – retour, l’ex-homme fort du pays ne fait pas mystère : « Mon peuple a besoin de moi, la vie d’un homme politique n’est nulle part ailleurs que sur la scène politique », et, dans cette logique, il n’écarte pas de se présenter à la présidentielle. Une hypothèse qui n’est pas sans conséquence pour la fragile transition en cours dans le pays. Au lendemain de sa chute, il n’a pas été poursuivi parce que, sur les conseils de quelques chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), et notamment du Sénégalais Abdoulaye Wade, il s’était engagé à se retirer de la vie politique. En signant son retour au forceps, Kumba Yala remet en question ce gentlemen agreement et donne du grain à moudre à ses adversaires, qui le soupçonnent d’avoir toujours tiré les ficelles pour faire échouer la transition et, surtout, d’être derrière la mutinerie du 6 octobre qui avait notamment conduit à la mort du général Verissimo Seabra Correia, auteur du coup d’État de 2003 et ex-chef d’état-major de l’armée.
Au sein du PRS, on ne voit pas d’un mauvais oeil cette sortie de Kumba Yala, qui reste populaire. Les soutiens en sa faveur affluent, mais également les menaces : « Si on empêche Kumba Yala d’aller à la présidentielle, il n’y aura pas d’élections », prévient Lino Leal, responsable des jeunes.
Reste qu’à quelque deux mois de l’élection la Guinée-Bissau n’a pas encore les moyens matériels et financiers d’organiser le scrutin, d’où l’appel lancé par le ministre des Affaires étrangères, Soares Sambu, à la communauté internationale pour qu’elle finance la présidentielle à hauteur de 4 millions d’euros.

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