Présidentielle en Mauritanie – Sidi Mohamed Ould Boubacar : « Je souhaite gagner l’élection et je la gagnerai »
Candidat-surprise à la présidentielle en Mauritanie, Sidi Mohamed Ould Boubacar affiche sa confiance à l’avant-veille du scrutin du 22 juin. Du soutien des islamistes au passif humanitaire, entretien avec l’un des cinq candidats qui souhaite incarner le « changement ».
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Sidi Mohamed Ould Boubacar est un homme pressé. Depuis qu’il a quitté sa paisible retraite en 2018, afin de se présenter à la présidentielle de samedi, cet ancien ambassadeur a renoué avec les longues journées et les agendas surchargés. Les Mauritaniens l’avaient un peu oublié, bien qu’il a longtemps occupé les plus hautes fonctions.
Sous le régime de Maaouiya Ould Taya, il a été tour à tour directeur du Trésor, ministre des Finances, Premier ministre, et même secrétaire général du Parti républicain démocratique et social (PRDS, au pouvoir). Ely Ould Mohamed Vall l’a nommé Premier ministre, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ambassadeur en Espagne et Mohamed Ould Abdelaziz, ambassadeur en Égypte et aux Nations unies.
Candidat indépendant, Ould Boubacar suscite beaucoup d’interrogations au sein des opposants en lice. Est-il vraiment l’un des leurs ? « Si être opposant, c’est s’opposer au régime en place, alors je suis opposant », répond-t-il.
Ce 20 juin, à deux jours du scrutin, Sidi Mohamed Ould Boubacar a préféré s’isoler dans un discret appartement de Nouakchott, afin de préparer dans le calme le discours qu’il prononcera ce jeudi soir, lors de son dernier meeting. Seule petite fantaisie dans ce décor impersonnel : des bouteilles d’eau à son effigie sont offertes aux visiteurs.
Jeune Afrique : Vous êtes l’invité-surprise de cette campagne. Quand avez-vous pris la décision de vous présenter à l’élection présidentielle ?
Sidi Mohamed Ould Boubacar : J’ai pris cette décision le jour où le président Mohamed Ould Abdelaziz s’est enfin décidé à respecter la Constitution, lorsqu’il a empêché les députés de faire voter une réforme constitutionnelle en 2018.
Avez-vous pris cette initiative seul ?
Tout seul oui.
L’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou ne vous a donc pas encouragé ?
Pas du tout, je suis un candidat indépendant. Je suis soutenu par beaucoup de personnalités et de partis, mais ma décision découle d’un engagement personnel, au vu de la situation de mon pays héritée de dix années de mauvaise gestion, de gabegie et d’improvisation.
Si les élections sont transparentes, il ne sera pas possible pour un candidat du régime d’obtenir la confiance des populations
Justement l’économie est au centre de votre programme. Que pensez-vous pouvoir concrètement apporter à la Mauritanie ?
Le candidat du pouvoir promet de continuer à gérer le pays de la même manière, donc de continuer à l’endetter, à saccager l’économie, à liquider les entreprises publiques. Moi, je propose de prendre le contre-pied de tout ce qui s’est fait jusqu’à présent, en mettant en place des politiques publiques transparentes, qui visent à créer de l’emploi – notamment pour les jeunes – ou encore à réduire les impôts. Aujourd’hui, un homme décide au jour le jour. Le prochain président de la République aura du pain sur la planche.
Et s’il s’agit de Mohamed Ould Ghazouani, pensez-vous qu’il aura une réelle marge de manœuvre par rapport à son prédécesseur, qui souhaite continuer de s’impliquer ?
D’abord, j’exclus cette possibilité. Je reviens d’un long périple, j’ai vu que les Mauritaniens ont soif de changement, surtout les jeunes. Donc, si les élections sont transparentes, il ne sera pas possible pour un candidat du régime d’obtenir la confiance des populations. Je dénoncerai toutes les fraudes et tous les vices qui viseront à confisquer leur vote.
D’autres candidats disent incarner le changement, à l’image de Mohamed Ould Maouloud ou de Biram Dah Abeid. En quoi feriez-vous un meilleur président qu’eux ?
Nous sommes tous en rupture avec ce système, mais chacun a sa philosophie. Moi, je donne la priorité à l’économie, aux jeunes ou encore à la redistribution des richesses, afin de lutter contre la pauvreté, l’exclusion, l’esclavage. La Mauritanie a également besoin de construire son unité nationale et de régler le passif humanitaire [les exactions perpétrées au tournant des années 1990 contre les « Négro-Mauritaniens » sous la présidence du colonel Maaouiya Ould Taya, ndlr].
Justement vous avez occupé les plus hautes fonctions sous Maaouiya Ould Taya. Certes, à partir de 1992, mais votre nom reste étroitement associé à ce régime. Que ferez-vous, si vous êtes élu, pour régler le passif humanitaire ?
Je pense que cela est un cliché. Mon périple m’a mené de Sélibaby à Rosso, dans la vallée. J’ai été reçu avec beaucoup d’enthousiasme, alors que le candidat du pouvoir a essuyé des jets de pierres.
Si je suis élu, j’ouvrirai un dialogue entre tous les Mauritaniens, afin de trouver des solutions consensuelles pour résoudre le passif humanitaire, à l’image des justices transitionnelles qui ont eu cours dans d’autres pays.
Vous bénéficiez d’un soutien très important, celui des islamistes « modérés » de Tawassoul, très présents dans votre campagne. Etes-vous leur candidat ?
Je rappelle que je suis un candidat indépendant, soutenu par une large coalition de partis politiques, qu’ils soient des libéraux ou encore des jeunes gauchistes. Tawassoul est un parti démocratique à référentiel islamique, qui n’est pas extrémiste. Il n’en est pas moins ouvert que le parti du PJD au Maroc. Il l’est peut-être même plus.
Une partie de leur base est historiquement proche de Mohamed Ould Ghazouani. Ne craignez-vous pas une perte de voix ?
Justement, il est lui aussi soutenu par les islamistes et on ne le questionne pas à ce sujet !
Pourriez-vous être le futur chef de l’opposition ?
Aujourd’hui, je pense surtout à être président de la République. Je veux rassembler les Mauritaniens, je n’ai pas l’intention d’avoir un petit parti. Je souhaite seulement gagner l’élection et je la gagnerai.
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