CAN 2019 : la rivalité Algérie-Égypte et l’ombre d’Oum Dormane

Le 18 novembre 2009, 24 ans après le Mondial de 1986 au Brésil, les Fennecs se qualifient pour le Mondial 2010 face à leurs historiques rivaux égyptiens. Un match de barrage qui a marqué le football algérien. Récit.

Rafik Saifi, à droite, célèbre la victoire de l’Algérie face l’Égypte lors des qualification pour le Mondial 2010. © Nasser Nasser/AP/Sipa

Rafik Saifi, à droite, célèbre la victoire de l’Algérie face l’Égypte lors des qualification pour le Mondial 2010. © Nasser Nasser/AP/Sipa

FARID-ALILAT_2024

Publié le 26 juin 2019 Lecture : 4 minutes.

La nuit est tombée sur la ville d’Oum Dormane, au Soudan, ce mercredi 18 novembre 2009. Partout ailleurs dans cette localité près de Khartoum règne le calme, sauf au stade de football, où se sont entassés 35 000 spectateurs algériens et égyptiens pour suivre le match de barrage Algérie-Égypte comptant pour la qualification à la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud.

Nous jouons la 41 minute quand Karim Ziani, maître du jeu algérien, expédie une longue transversale dans la surface de réparation des Égyptiens. Antar Yahia, latéral droit des Fennecs, déboule au second poteau. Le ballon rebondit. Antar recule, arme son tir et envoie un boulet à bout portant dans la lucarne du gardien des Pharaons. But !

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Le stade chavire, explose, comme si un tremblement de terre venait de le secouer. À des milliers de kilomètres de là, les répliques secouent villes et villages d’Algérie. L’équipe nationale algérienne mène contre la sélection égyptienne. Il faut tenir encore une mi-temps, résister, se tenir le ventre, garder ses nerfs, ne pas flancher, prier et espérer que les Égyptiens ne marquent pas de buts.

L’Algérie est qualifiée pour le Mondial 2010

Les 45 minutes suivantes semblent une éternité. Et puis, l’arbitre siffle la fin de la partie. L’Algérie est qualifiée pour le Mondial sud-africain. Des milliers de supporteurs algériens envahissent le terrain. Là-bas en Algérie, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants défilent dans les rues durant cette nuit interminable du mercredi 18 novembre. 24 ans après la qualification au Mondial de 1986 au Mexique, les Fennecs seront au rendez-vous planétaire en Afrique du Sud. Une nouvelle génération de footballeurs veut marcher sur les traces des Belloumi, Assad et Majder.

Cette qualification contre l’éternel rival égyptien est une épopée qui a commencé par une tragédie. Jeudi 12 novembre, l’équipe algérienne est au Caire pour disputer un match de poule de qualification contre l’Égypte. À l’aller, les Fennecs ont battu les Pharaons 3 buts à 1. Le retour prévu le samedi 14 s’annonce compliqué. Difficile de tenir face cette équipe égyptienne sacrée 7 fois championne d’Afrique. Encore plus dans ce stade International du Caire qui absorbe dans son antre 75 000 Égyptiens en délire.

Ces rivalités ne sont pas seulement sportives. Elles sont également politiques

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Les confrontations entre Égyptiens et Algériens n’ont jamais été des parties de plaisir. Souvent, les matchs sont émaillés d’incidents et de bagarres entre joueurs et staffs. Ces rivalités ne sont pas seulement sportives. Elles sont également politiques. Depuis la guerre d’indépendance, Algériens et Égyptiens se vouent amour et haine et se disputent le leadership sur le monde arabe.

Le bus algérien caillassé, les joueurs ensanglantés

Et ce match retour démarre très mal. Le bus transportant les joueurs algériens qui venaient de débarquer à l’aéroport est caillassé par les supporters égyptiens. Les images des joueurs algériens les visages ensanglantés ainsi que les images de grosses pierres ayant servies à l’agression font le tour du monde.

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En Algérie, la colère et la consternation se mêlent à la rage. La cause des Verts devient une affaire nationale. Les autorités des deux pays interviennent. La confrontation déborde du cadre sportif pour se transformer en crise diplomatique.

Samedi 14 novembre, jour de la grande confrontation. À l’issue d’un match à couper le souffle, l’Égypte bat l’Algérie 2 buts à zéro. Les deux formations étant à égalité parfaite de points et de buts, la qualification se jouera à la belle à Oum Dormane. La fin de la rencontre se solde par des bagarres à l’extérieur entre supporteurs. Des Algériens sont agressés, des journalistes malmenés. On évoque des morts et des blessés graves. La tension monte de plusieurs crans.

L'équipe algérienne de football qualifiée pour le Mondial 2010. © DR

L'équipe algérienne de football qualifiée pour le Mondial 2010. © DR

À deux doigts de la rupture diplomatique

En représailles aux agressions des Algériens au Caire, des commerces égyptiens en Algérie sont saccagés. Des expatriés égyptiens sont placés sous protection policière. L’opérateur de téléphonie mobile Djezzy qui appartenant à la firme Orascom Telecom du milliardaire égyptien Sawiriss est ciblé. Ses clients le boycottent, brûlent les cartes SIM. Certains de ses bureaux sont attaqués par des Algériens. Le Caire rappelle son ambassadeur à Alger pour consultation. On frôle la rupture diplomatique.

Ambiance de guerre des nerfs avant le match décisif au Soudan. Pour acheminer 15 000 supporters algériens à Oum Dormane, le gouvernement mobilise 52 avions de la compagnie Air Algérie. Un véritable pont aérien relie l’Algérie à Khartoum. Des dizaines de milliers de personnes veulent s’y rendre pour encourager leur équipe. Il n’y aura pas de place pour tout le monde.

Une fièvre nationale et même internationale saisit les Algériens. Même ambiance en Égypte où le foot est aussi une religion et une affaire d’État. Le président Moubarak dépêche au Soudan ses deux fils pour soutenir les Pharaons.

La tension est telle que les deux équipes entrent séparément sur le terrain en empruntant chacune un couloir.

À Oum Dormane, des dizaines de milliers de supporteurs des deux camps envahissent les rues de la ville avec drapeaux et fanions. L’armée soudanaise sort pour assurer l’ordre et éviter des confrontations. Pas de violences, pas de bagarres. Mais une atmosphère de griserie saisit les têtes et la peur noue les ventres.

Plus l’heure approche, plus les nerfs se tordent comme des nœuds. Peu avant 18 heures, ce fameux 18 novembre, le stade est plein. La tension est telle que les deux équipes entrent séparément sur le terrain en empruntant chacune un couloir.

La belle peut commencer. Elle sourira aux Algériens. On ne sait pas encore si les Fennecs rencontreront les Pharaons lors la CAN 2019 qui se déroule en Égypte. Mais si c’est le cas, l’ombre d’Oum Dormane planera sur les deux équipes et leurs supporteurs.

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