Voyage à Ouaga

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

J’étais donc au Burkina. Invité à un colloque sur le thème « Démocratie et développement », organisé à l’occasion du vingtième anniversaire de l’accession au pouvoir de Blaise Compaoré. Et donc de la disparition de Thomas Sankara. Direction Ouaga 2000, la nouvelle ville au-delà de la ville, avec ses villas cossues, ses routes plus ou moins finies qui parfois s’achèvent nulle part, et la nouvelle présidence, audacieuse avec son architecture contemporaine. Au très imposant hôtel Libya, construit justement par la Libye, mais sous l’enseigne d’une grande chaîne internationale (sinon, on n’aurait pas beaucoup de clients internationaux, rigole un Burkinabè), on croise le « tout-Afrique » ou presque. Gouvernants, opposants, gens du pouvoir, journalistes, intellectuels Des amis du Burkina aussi, quasi-lobbyistes, qui se croisent fraîchement dans les couloirs. Chacun défend son territoire
Au colloque, les débats sont réels. On entend beaucoup parler d’authenticité, d’une voie africaine vers la démocratie et la modernité, de rupture avec l’ajustement structurel et les modèles imposés par le FMI et la Banque mondiale La discussion est souvent fascinante, mais on a droit à des analyses où l’État et l’histoire jouent toujours le rôle central. On parle peu ou pas de création de richesses, du secteur privé. Un seul intervenant parlera des « entrepreneurs ». D’ailleurs, il n’y a pratiquement pas de chefs d’entreprise dans la salle. Le capitalisme africain moderne, pourtant essentiel, n’est pas encore né
Grande première, le président du Brésil, Lula da Silva, est venu quelques heures. Il fait un très beau discours. Sur le lien entre son pays, « la deuxième nation noire du monde », et l’Afrique. Il parle d’ambition(s) commune(s). Une conférencière française n’en revient pas : « Quand on entend Lula et que l’on compare avec le discours de Sarkozy, il y a de quoi se sentir mal à l’aise » On regarde tout de même la délégation brésilienne (journalistes inclus). Pas un Black semble-t-il. Que des Blancs impeccablement costumés En France, nous avons Rachida Dati et Rama Yade.
De l’hôtel Libya, on entend assez peu ce qui se passe en ville. Et pourtant, on devrait. Mariam Sankara, la veuve de Thomas, est rentrée au pays après vingt ans d’exil. Les révolutionnaires, les nostalgiques, et beaucoup de jeunes, à peine nés en 1987, ont submergé le cimetière où est enterré « Tom Sank », le capitaine mythique. La télé nationale en parle. La presse aussi, y compris le quotidien gouvernemental qui publie des interviews incendiaires contre le régime. La présidence distribue un document qui propose, pour la première fois me semble-t-il, sa version de l’histoire. Stupéfait, j’en parle à un ami burkinabè. Dans ce pays, m’explique-t-il, « on a passé le cap de vouloir interdire aux gens de penser, de s’exprimer ou d’écrire. C’est très important, même si, au fond, cela ne résout pas les problèmes les plus importants. La pauvreté et le décalage croissant entre ceux qui entrent dans le développement et ceux qui en sont exclus. »
Retour à Ouaga 2000. Le soir, belle réception à la résidence officielle du président Compaoré. Avec une scène et de la musique. Miriam Makeba est venue, vieillie, affaiblie mais émouvante, unique quand elle chante.
« Comment ça va ? » lui demande un admirateur : « Je m’accroche à la vie », répond Mama Africa.

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