Sommet des deux rives : à Marseille, Emmanuel Macron tente de relancer la coopération méditerranéenne

Le Sommet des deux rives a réuni à Marseille les ministres des Affaires étrangères des 5+5, cinq pays de la rive nord et autant de la rive sud. Originalité du sommet : la volonté de placer la société civile au centre de la coopération euro-méditerranéenne.

Le président français Emmanuel Macron (au centre), avec les ministres des Affaires étrangères de pays de la rive sud et nord de la Méditerranée, au Sommet des deux rives, le 24 juin 2019 à Marseille. © Compte Twitter officiel France Diplomatie

Le président français Emmanuel Macron (au centre), avec les ministres des Affaires étrangères de pays de la rive sud et nord de la Méditerranée, au Sommet des deux rives, le 24 juin 2019 à Marseille. © Compte Twitter officiel France Diplomatie

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Publié le 24 juin 2019 Lecture : 4 minutes.

Le Sommet des deux rives a réuni lundi les ministres des Affaires étrangères des 5+5 (France, Espagne, Italie, Malte, Portugal, Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie). Prévu à l’origine comme un sommet des chefs d’État et de gouvernement, l’événement s’est finalement mué en sommet des sociétés civiles. « Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, il y a une crise politique en Algérie qui n’a échappé à personne, et il n’y a pas une situation extrêmement stable en Libye. Nous aurions pu faire semblant de faire un sommet institutionnel, mais ça n’aurait servi à rien », a expliqué Emmanuel Macron lors de son discours de clôture.

Chaque pays a ainsi été représenté par une délégation de dix personnes. Les cent représentants de la société civile des pays du « Dialogue 5+5 » ont ainsi réuni plus de 250 projets lors de cinq forums préparatoires organisés en avril et mai, selon cinq thématiques : l’énergie ; l’éducation de la jeunesse et la mobilité ; l’économie et la compétitivité ; les médias, la culture et le tourisme ; et l’environnement et le développement durable.

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« Préserver et de refonder le multilatéralisme »

Quatorze de ces projets ont plus particulièrement été retenus. Parmi les propositions les plus remarquées, un centre euro-arabe de la traduction – « seul 1 % des œuvres arabes sont traduites en langue européenne ! » a déploré Élisabeth Guigou, présidente de la fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures – la mise en place d’un programme Erasmus méditerranéen, ou encore la réhabilitation et la connexion des médinas des villes d’Afrique du Nord.

Wided Bouchamaoui, chef de la délégation de la société civile tunisienne et présidente du comité de pilotage du Sommet des deux rives, a ouvert ce dernier en appelant de ses vœux « un maillage plus fort entre les deux rives » afin de transformer cette « mer intérieure en espace de vie, de sagesse énergétique et de paix partagée ».

À l’initiative, la France cherche ainsi à développer une diplomatie méditerranéenne moins axée sur les seules institutions étatiques. « Notre priorité et de préserver et de refonder le multilatéralisme. Mais il ne saurait être que l’affaire des États », a ainsi déclaré le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, en ouverture du sommet. « La réponse n’est plus dans la main exclusive des gouvernants, a lancé Emmanuel Macron en fin de sommet. Nous devons instaurer un nouveau dialogue avec l’Afrique, sans quoi nous risquons de laisser des jeunesses se construire dans l’idée que l’avenir est soit dans la fuite de leur pays pour un au-delà qui n’existe pas vraiment, soit dans la peur de l’autre, du côté de la rive nord. »

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Réponse inclusive

La constitution d’un cadre de dialogue entre les pays méditerranéens est un vieux serpent de mer. Le partenariat euro-méditerranéen fête cette année ses vingt-quatre ans, alors que l’Union pour la Méditerranée, lancée en 2008, présente un bilan mitigé. S’il a salué une « approche inclusive et novatrice », Khemaies Jhinaoui, le ministre tunisien des Affaires étrangères, a ainsi tenu à insister sur la concrétisation des projets présentés en « assurant un suivi et des instruments financiers adéquats ». « Les expériences passées ont montré leurs limites faute d’engagement suffisant », a-t-il prévenu.

Il faut développer un multilatéralisme de proximité, pas hors-sol mais à l’écoute de la société civile

Le projet Smart cities, qui prévoit la réhabilitation et la connexion des médinas d’Afrique du Nord, a particulièrement attiré l’attention de Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères. Lui aussi a mis l’accent sur la nécessité de « développer un multilatéralisme de proximité, pas hors-sol mais à l’écoute de la société civile ».

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De son côté, le ministre algérien des Affaires étrangères Sabri Boukadoum, qui a choisi de s’exprimer en arabe et en français, a lui évoqué les partenariats énergétiques entre les deux rives. « Forte de son potentiel énergétique, conventionnel et non conventionnel, l’Algérie est consciente de la place qu’occupe l’énergie pour la construction d’une zone de prospérité et de stabilité partagées. L’Algérie s’est donc doté d’une stratégie ambitieuse de développement des énergies renouvelables », a notamment déclaré le ministre algérien.

Le point dans six mois

C’est sur une dimension plus éducative des relations euro-méditerranéennes que le ministre mauritanien des Affaires étrangères Ismail Ould Cheikh Ahmed a choisi d’axer son discours, défendant un héritage culturel commun qui « enfanta les trois monothéismes ». Il a notamment appelé à un enseignement plus ambitieux de cet héritage, « en insistant sur ce qui nous unit, pas seulement sur les aspects conflictuels ».

Il a aussi tenu à évoquer la présidentielle mauritanienne, dont le premier tour se tenait dans le week-end « Les élections se sont bien déroulées, il y a une transition pacifique pour la première fois, le résultat est désormais officiel », donnant la victoire au candidat du pouvoir, Mohamed Ould Ghazouani, selon les résultats annoncés par la Commission électorale (Ceni). À la question « Restez-vous ministre ? », il s’est contenté de répondre par un sourire.

En délicatesse avec Paris qu’elle accuse de soutenir le maréchal Haftar, la Libye était bien représentée par son ministre des Affaires étrangères Mohamed Tahar Siyala, lequel a également axé son discours sur « l’héritage culturel commun ». Il a dû quitter le sommet à la fin de la seconde session pour regagner Tripoli, de sorte qu’il est le seul représentant ministériel à ne pas être présent sur la traditionnelle photo de famille avec le président français et le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

« Je propose que nous mettions en place une petite équipe pour qu’elle fasse le suivi concret avec tous les porteurs de projets pour que les financements arrivent », a conclu le président français, qui a donné rendez-vous dans six mois pour un nouveau sommet qui permettra de faire le point sur l’avancement des projets. L’événement prendrait cette fois le format d’un sommet de chefs d’État et de gouvernement.

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