Quand un Nobel dérape
Il est parfois des hasards troublants. Au moment où la France s’apprête à instaurer la clause « dégueulasse » (selon le mot, fort mais juste, de Fadela Amara) du test ADN pour le regroupement familial des immigrés, le scientifique américain qui, en 1962, obtint le prix Nobel pour avoir mis au jour la structure moléculaire de ce même ADN vient de sombrer dans le gouffre du racisme.
Dans une interview au Sunday Times du 14 octobre, reprise deux jours plus tard par The Independent, James Watson (79 ans), directeur du Centre de recherche génétique de Cold Spring Harbor, aux États-Unis, développe la thèse, aussi scandaleuse qu’éculée selon laquelle les Noirs sont biologiquement moins intelligents que les Blancs. « Toutes nos politiques en direction de l’Afrique sont basées sur le fait que l’intelligence des Africains est équivalente à la nôtre, alors que tous les tests prouvent le contraire », explique-t-il. Avant d’ajouter : « Il est normal de vouloir que tous les humains soient égaux. Malheureusement, tous ceux qui ont eu un jour affaire à des employés noirs savent que c’est une illusion. »
Certes, à y regarder de plus près, Watson apparaît comme un récidiviste. Cet obsédé de l’inégalité entre les races, qui a déjà théorisé sur la libido prétendument supérieure (et criminogène) de l’homme noir et n’hésite pas à prétendre que l’homosexualité et la stupidité sont des tares curables car d’origine génétique, s’est depuis longtemps signalé par des déclarations profondément misogynes. Mais outre le fait qu’il dirige un institut réputé, ce provocateur inlassable inscrit ses « travaux » dans une lignée d’ouvrages parus depuis une dizaine d’années, tous signés par des scientifiques anglo-saxons et qui, tous, s’appuient sur de pseudo-tests universels de QI (quotient intellectuel) pour démontrer l’infériorité de la race noire. The Bell Curve, ?de Murray et Hermstein, Le QI et la richesse des nations, de Lynn et Vanhanen, Le Facteur G, de Jensen Autant d’ouvrages qui furent des succès de librairie et dont les conclusions renvoient à l’eugénisme des nazis et aux justifications de l’esclavage.
Rappelons tout de même, pour ceux qui pourraient être troublés par de telles insanités sorties de bouches aussi savantes, qu’il n’existe aucune définition scientifique de l’intelligence, qu’aucun test biologique, génétique ou psychologique ne permet de définir « les Africains » en tant que tels et que le calcul du QI fait l’objet d’infinies controverses. Quant à James Watson, le pionnier de l’ADN, il lui reste à occuper un siège d’honneur au sein du groupe UMP de l’Assemblée nationale française
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