Bac 2019 en Guinée : « 224 objectif Bac », un collectif qui veut éviter la débâcle de 2018
Un collectif de jeunes cadres guinéens a mis sur pied un système de soutien aux candidats au Bac 2019 dans la région du Fouta, où le taux de réussite lors de la désastreuse session 2018 avait été de seulement 13%.
Avec seulement 26,04 % de taux de réussite, la session 2018 du Bac reste encore dans les mémoires comme celle d’une débâcle sans précédent dans l’histoire de cet examen en Guinée. Et les disparités régionales ont été particulièrement fortes. Dans le Fouta, seulement 13% des candidats au bac l’ont obtenu en 2018, et dans la seule ville de Pita, 61 bacheliers ont admis, sur les 534 candidats…
Face à ce constat, un collectif – « 224 objectif Bac », rassemblant des jeunes cadres -, a mis sur pied un système de soutien à destination des élèves de terminale de Pita, Mamou et Dalaba. Du 22 au 4 juillet, 32 professeurs bénévoles, sélectionnés et formés pendant deux jours par un comité d’experts – composé d’anciens enseignants – y sont déployés pour préparer les élèves volontaires aux échéances qui auront lieu les 15 et 20 juillet prochain.
« Nous ne prétendons pas résoudre les problèmes liés aux échecs massifs au Bac, car ils sont structurels », précise d’emblée Mohamed Aly Condé, qui détaille à Jeune Afrique le dispositif mis en place et livre son analyse des raisons de l’échec historique du Bac 2018.
Jeune Afrique : Il existe déjà de nombreux cours de soutien en Guinée. En quoi votre initiative se démarque-t-elle ?
Mohamed Aly Condé : D’abord, nos cours sont entièrement gratuits. À Conakry, certains élèves vont débourser 100 000 franc guinéen (9,59 euros) par mois pour bénéficier de professeurs à domicile. Par ailleurs, les établissements scolaires – pour la plupart privés – mettent aussi en place un « internat » à la fin de chaque année, pour préparer leurs élèves aux épreuves du Bac.
Mais au sein du collectif « 224 Objectifs Bac », nous avons voulu répondre à la très faible densité d’enseignants que l’on observe lorsque l’on quitte la capitale. Dans certaines préfectures, le professeur de mathématiques est parfois dans l’obligation de dispenser les cours de physique et de chimie. Dans ces conditions, les programmes scolaires ne sont pas toujours achevés. Or, lors du Bac, les candidats de ces localités sont évalués selon les mêmes critères que ceux de la capitale. Le but de notre initiative est de déployer des enseignants qui se trouvent dans la capitale à l’intérieur du pays, pour renforcer l’appui pédagogique.
Comment payez-vous les salaires, frais de déplacements et de logement des professeurs ?
D’abord, tous nos intervenants sont bénévoles. Ce projet a été entièrement financé par des dons. Nous avions lancé un appel via le groupe Hadafo média – qui regroupe plusieurs radios guinéennes, dont Espace Fm – et sur la RTG, la chaîne nationale de télévision. À ce jour, nous avons récolté 27 millions de franc guinéen (2 500 euros).
Des membres de la société civile se mobilisent aussi pour mettre à disposition des chambres et de la nourriture pour nos bénévoles qui resteront du 22 juin au 4 juillet dans les villes de Pita, Mamou et Dalaba. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les municipalités qui nous ont ouvert des classes afin que les séances de révisions se déroulent dans les meilleures conditions. Notre objectif est d’aider à notre échelle, mais nous ne prétendons pas avoir le remède pour soigner la gangrène qui mine notre système éducatif.
Comme lors de l’année scolaire 2017-2018, cette année a de nouveau été marquée par des mouvements de grève des enseignants, et la fermeture de plusieurs lycées. Dans quelle mesure ces grèves ont-elles pesées sur les résultats ?
Dans une certaine mesure, ces grèves sont un symptôme de la politisation du secteur de l’éducation en Guinée. Et c’est un gros problème pour le pays. L’année dernière, l’échec historique au baccalauréat dans la région du Fouta peut en partie s’expliquer par les mouvements de grèves, qui y ont été massivement suivis, puisque le Fouta est reconnu comme étant le fief de l’opposition UFDG de Cellou Dalein. Les jours perdus n’ont pas été rattrapés, et, de fait, tout le programme scolaire n’a pas été exécuté par les étudiants.
Où sont les 74% de candidats qui n’ont pas été admis au Bac en 2018 ?
Certains vont à nouveau tenter leur chance cette année en candidat libre. D’autres se sont éloignés du cursus scolaire, préférant faire des « petits boulots » pour subvenir à leurs besoins. Les plus téméraires ont opté pour le redoublement.
Paradoxalement, le pourcentage élevé d’échec au baccalauréat est considéré par les autorités comme une victoire. Cela signifie que le ministère de l’Éducation a été rigoureux et que « seuls les méritants ont obtenu le Bac ».
Mais les autorités ne traitent pas le fond du problème. Et il n’y a aucun suivi des élèves qui ont échoué. Les classes sont déjà complètement saturées dans les établissements publics guinéens. Comment les 40 000 élèves qui n’ont pas obtenu leur bac en 2018 pourraient être accueillis en classe ?
Devant cet état de fait, comment expliquer que les jeunes Guinéens ne se tournent pas vers les filières techniques ?
Cette filière est complètement dévalorisée. La meilleure preuve, c’est qu’il n’existe pas de Bac technologique. Dire à un jeune Guinéen de se diriger vers une filière technique est perçue comme une insulte, aujourd’hui. Il faut mener un réel travail pour changer les mentalités.
D’autant plus que beaucoup de secteurs sont à la recherche de techniciens qualifiés dans de nombreux domaines. Valoriser cette filière pourrait même aider à réduire le chômage chez les 15-24 ans, qui est aujourd’hui de 4.5 %, selon les dernières prévisions de la Banque mondiale.
De plus, il faut une refonte du programme scolaire guinéen qui n’est pas à la hauteur par rapport aux pays de la sous-région. Seulement deux universités privées délivrent des enseignements reconnus par le Cames (Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur), qui est une référence en Afrique. Il est urgent de repenser le système éducatif guinéen et d’augmenter le budget qui lui est alloué.
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