L’enquête impossible

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

« Le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu où repose sa dépouille et la non-ratification de l’acte de décès constituent un traitement inhumain et contraire à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. [] Le comité estime que le Burkina n’a pas respecté les principes sacrés et fondamentaux qui garantissent l’égalité, l’impartialité, l’équité devant les tribunaux. » En rendant sa décision, le 28 mars 2006, à la suite du dépôt d’une plainte par les ayants droit de Thomas Sankara, le comité des droits de l’homme de l’ONU a jeté un pavé dans la mare. Vingt ans après les événements du 15 octobre 1987, les conditions dans lesquelles est mort le père de la révolution n’ont toujours pas été élucidées. Mais sa famille – en l’occurrence sa veuve Mariam et ses deux fils Philippe et Auguste – continue d’exiger que la lumière soit faite sur ces événements, aidée en cela depuis plusieurs années par un collectif d’avocats rattachés à différents barreaux (France, Burkina, Canada) et réunis au sein du groupe Campagne internationale justice pour Sankara (CIJS).
Toujours non satisfaites, les demandes des plaignants se résument en trois points. Le premier concerne une enquête officielle sur les conditions dans lesquelles Sankara a trouvé la mort. Aucune n’a été diligentée par les autorités burkinabè depuis 1987 alors que les procédures engagées par le collectif se heurtent à la définition de la juridiction compétente. Après de nombreux rebondissements, la cour d’appel de Ouagadougou a déclaré les juridictions de droit commun incompétentes dans un arrêt du 26 janvier 2000, renvoyant les parties civiles devant les tribunaux militaires au motif que Sankara a été assassiné dans une enceinte militaire. Les parties civiles ne pouvant elles-mêmes saisir ce type de juridiction, il revient au procureur du Faso de dénoncer l’affaire auprès du ministre de la Défense, ce qui permettrait non seulement de lancer l’enquête, mais aussi d’interroger les personnalités présentes à l’époque sur les lieux de l’événement, à commencer par le chef d’état-major particulier du président Compaoré, Gilbert Diendéré. À ce jour, les démarches effectuées auprès du procureur de la République sont restées sans réponse. « Nous assistons à un chassé-croisé ridicule entre les parties civiles et la justice. Les autorités affirment que toutes les procédures seront menées à terme, mais on nous refuse l’accès aux juridictions militaires », affirme Dieudonné Nkounkou, l’un des avocats du collectif.
Le deuxième point réside dans le certificat médical et les causes du décès. Établi le 17 janvier 1988, ce dernier évoque une mort naturelle sans autre forme d’explication. Une thèse jugée inacceptable par le collectif. « Chacun sait ce qui s’est réellement passé le 17 octobre », estime un autre avocat.
Le troisième concerne enfin la reconnaissance officielle du lieu où Sankara a été inhumé. Alors que le gouvernement affirme dans un mémorandum du 30 juin 2006 qu’il est de « notoriété publique » que la sépulture est située à Ouagadougou, le corps qui y a été enterré n’a jamais fait l’objet d’une quelconque identification. « Rien ne dit que les restes qui s’y trouvent sont ceux de Sankara », explique le collectif à l’appui d’une demande de test ADN.
Prenant acte de la décision de l’ONU, qui est, selon lui, « non pas une condamnation mais une occasion unique de mettre un terme à une affaire qui n’a que trop duré », le gouvernement burkinabè a notamment proposé une indemnisation de 43,4 millions de F CFA (66 000 euros) versés par le Fonds d’indemnisation des personnes victimes de violences politiques, créé en 2000.
Une somme que Mariam Sankara a refusé de percevoir, insistant surtout sur le besoin de connaître la vérité sur l’assassinat de son époux. Compte tenu de ces questions non élucidées, l’affaire reste pendante devant la justice burkinabè. De nouveau saisi, le Comité des Nations unies pourrait, pour sa part, désigner lui-même une commission d’enquête.

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