CAN 2019 : non, le Burundi et Madagascar ne sont pas des Petits Poucets
Burundais et Malgaches disputent une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations (CAN) pour la première fois de leur histoire. Mais la présence à ce niveau de ces deux sélections n’est en fait pas si surprenante. Explications.
Sans le vouloir, le Burundi a provoqué une véritable crise au Gabon, en éliminant les Panthères lors du dernier match qualificatif pour la CAN, le 22 mars dernier à Bujumbura (1-1). Daniel Cousin, le coach du Gabon, avait été démis de ses fonctions quelques jours plus tard, et le ministre des Sports s’était empressé d’annoncer la dissolution de la sélection nationale.
Le Burundi, en terminant invaincu dans son groupe avec deux victoires face au Soudan du Sud (3-0, 5-2) et quatre nuls contre le Mali (1-1, 0-0) et le Gabon (1-1, 1-1), a réalisé un véritable coup de maître, lui qui s’était déjà qualifié pour la phase finale du Championnat d’Afrique des nations en 2014 et 2018.
L’expatriation des joueurs a bénéficié au Burundi
L’Algérien Adel Amrouche, qui a passé cinq ans au poste de sélectionneur des Hirondelles (2007-2012), n’est pas surpris de cette progression du football burundais. « On avait fait un constat, avec Lydia Nsekara, alors présidente de la fédération : il fallait améliorer la formation des jeunes, et pour cela, on utilisait l’argent remporté lors de la Coupe de la Cecafa par la sélection A. Il était aussi vital que les joueurs s’expatrient, de préférence en Europe, pour élever le niveau de la sélection. Certains des joueurs que j’ai dirigés ont été internationaux très jeunes, et sont toujours là. »
Aujourd’hui, la quasi-totalité des joueurs (Abdul Razak, Ndikumana, Bigirimana, Berahino…) évoluent à l’étranger, en Europe ou dans des championnats africains (Kenya, Algérie, Zambie, Rwanda, Afrique du Sud) plus rémunérateurs que celui du Burundi, semi-professionnel, où les meilleurs salaires culminent à environ 80 euros par mois.
Aguerri par ses participations au Chan, le Burundi a franchi un cap en se qualifiant pour la CAN. Ancien adjoint d’Amrouche, de l’Égyptien Lofty Naseem (2012-2014), de l’Allemand Rainer Willfeld (2014-2015) et de l’Algérien Ahcène Aït Abdelmalek (2015-2016), le Burundais Olivier Niyungeko a pris les rênes de la sélection début 2017 avec des ambitions réelles, malgré la modestie des moyens humains et financiers. « Le Burundi bénéficie de ce que les expatriés apportent tactiquement, techniquement. Le championnat national, qui n’est pas totalement professionnel, n’est pas assez relevé, et il faut donc que nos joueurs partent à l’étranger », explique le technicien.
L’État burundais a décidé de financer l’installation de plusieurs terrains synthétiques, alors que plusieurs centres de formation ont été créés, afin de travailler en amont avec les jeunes. « Nous avons une vision à plus long terme : essayer de se qualifier régulièrement pour la CAN et la Coupe du Monde », poursuit Niyungeko.
Madagascar a su sortir de l’anonymat
L’argent n’est pas la motivation principale des internationaux burundais : la qualification pour la CAN a rapporté environ 800 euros à chaque joueur. Et les primes de matches sont d’environ 300 euros.
À Madagascar aussi, l’un des trois autres débutants à ce niveau (avec la Mauritanie), la motivation est ailleurs. Les Baréa ont attendu plusieurs mois avant de toucher leur prime pour s’être hissés parmi le gratin du football africain. Et une victoire est récompensée par le versement d’environ 200 euros. « Madagascar est un pays pauvre, il y a peu de moyens, donc c’est à nous de nous adapter », confie le capitaine Faneva Andriatsima (Clermont Foot).
Depuis l’arrivée du Français Nicolas Dupuis en mars 2017, les choses ont pris une tournure plus professionnelle. « On joue des matchs amicaux à chaque date Fifa, ce qui n’était pas le cas avant. Pour progresser, il faut aussi affronter d’autres équipes », intervient le sélectionneur.
En deux ans, Madagascar a multiplié les matchs amicaux et les stages, et confirmé ses progrès lors des qualifications pour la CAN 2019. « Il y a eu un tournant, notre victoire au Soudan (3-1) en juin 2017 », reprend Andriatsima. « Nous n’avions plus l’habitude de gagner à l’extérieur, et cela nous a permis de croire en une qualification. »
Trois matchs plus tard, en octobre 2018, les Malgaches, grâces à deux succès face à la Guinée équatoriale (1-0, 1-0) et un match nul contre le Sénégal (2-2), atteignent définitivement leur objectif. « Comme nous n’avons pas de grands noms dans cette équipe, on compense par un gros esprit collectif, beaucoup de solidarité une volonté de bien jouer », poursuit l’attaquant.
Rendez-vous à Alexandrie
Plusieurs joueurs ayant des origines malgaches et évoluant en Europe – Jérôme Mombris, Jérémy Morel (Lyon), Thomas Fontaine (Reims) – ou aux États-Unis, tel Romain Métanire, ont accepté de rejoindre la sélection nationale. « C’est la preuve que notre projet sportif est intéressant, car la CAN ne doit être qu’une étape », souligne Dupuis.
Depuis la Belgique où il réside, Valéry Nahayo, l’ancien capitaine des Hirondelles, mesure le chemin parcouru. « Pour moi, cela reste une petite surprise, mais il y a aussi une certaine logique, car la plupart des joueurs se connaissent depuis la sélection junior. Il y a également eu des améliorations au niveau de l’intendance, des déplacements, et cela favorise la progression. »
Hasard du tirage au sort, les deux sélections se retrouvent ce 27 juin lors du premier tour de la CAN, à Alexandrie, dans un groupe qui comprend également la Guinée et le Nigeria.
Niyungeko et Andriatsima sont au moins d’accord sur un point : la confrontation entre ces deux novices pourrait être décisive en vue d’une éventuelle présence en huitièmes de finale, puisque les quatre meilleurs troisièmes seront qualifiés…
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