L’africanisation de la diplomatie de la paix

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Depuis la chute du mur de Berlin et l’ouverture au pluralisme politique, les conflits en Afrique se sont accrus et ont varié dans leur nature. Pour l’essentiel, il s’agit de conflits internes complexes représentant une menace à la paix et à la sécurité des régions où ils surviennent, à l’instar du triangle d’instabilité que forment la Centrafrique, le Tchad et le Soudan. Mais aussi de l’Afrique de l’Ouest avec les crises du Liberia, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, ainsi que de la région des Grands Lacs et de la Corne de l’Afrique.
À l’analyse, ces crises semblent devenues un agenda continental auquel aucun État n’échappe. Leurs causes sont liées à l’échec des processus d’édification des États-nations, de l’État de droit et du processus de démocratisation, aux luttes pour le pouvoir politique, à la quête d’une meilleure clé de partage des richesses nationales, à la propension de certains États africains à servir de base arrière à la déstabilisation d’autres États et à l’incidence des conflits du Moyen-Orient en Afrique.
Souvent à base ethnique, régionaliste ou religieuse, elles opposent des armées nationales divisées et des groupes organisés en rébellions aidés dans leur action par la prolifération et la circulation illicite des armes légères, la porosité des frontières et les mouvements transfrontaliers de combattants.

Ces crises se caractérisent par leur violence extrême. Par ailleurs, elles s’enlisent et perdurent. Les réponses apportées par l’Organisation des Nations unies (ONU) et les ex-puissances tutélaires sont problématiques et révèlent toute la complexité des modes de traitement adoptés. D’où la prise de conscience renouvelée des Africains de leur responsabilité première et de la nécessité du déploiement d’une solidarité rénovée.
Il s’ensuit une action diplomatique mieux ancrée dans l’élan de renforcement de l’intégration des États africains.
Ainsi, l’on est passé d’une diplomatie de la paix unilatérale, voire concurrentielle, des États africains à une meilleure coordination des initiatives de médiation, sous les auspices des organisations régionales.
Désormais, l’ONU bénéficie de la collaboration des instances régionales, plus à même de développer des solutions de proximité sur le plan opérationnel. L’institutionnalisation progressive de cette collaboration est visible dans la gestion de la crise ivoirienne. Depuis deux années, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) initie des arrangements politiques et institutionnels pour le règlement de la crise qu’elle propose à l’Union africaine (UA) qui, à son tour, et sur la base desdites propositions, adopte une décision qu’elle adresse à l’ONU pour considération. En dernier lieu, le Conseil de sécurité de l’ONU, instruit par les contributions de la CEDEAO et de l’UA, adopte une résolution sur lesdits arrangements pour une sortie de crise. Le dialogue direct interivoirien, organisé sous la houlette de Blaise Compaoré, président en exercice de la CEDEAO qui a abouti le 4 mars 2007 à un accord politique entre le président Laurent Gbagbo et le leader de l’ex-rébellion Guillaume Soro, traduit l’engagement des Africains dans la résolution de leurs crises, en étroite collaboration avec l’ONU.

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Dans les situations complexes comme celle du Soudan, les instances régionales ont pris des mesures conservatoires en attendant la mise en place d’une collaboration sur le modèle décrit ci-dessus. Cette initiative africaine a été saluée par le Conseil de sécurité de l’ONU qui a finalement décidé de l’envoi au Darfour d’une force hybride, composée de soldats de l’UA et de l’ONU. Sa résolution 1 769 autorisant l’envoi de cette force est la première du genre et l’exemple le plus achevé de la coopération entre l’ONU et les instances africaines pour la paix.
En définitive, les Africains, malgré leur bon vouloir, restent tributaires de la communauté internationale quant aux moyens financiers et logistiques du maintien de la paix ! Voilà l’une des vérités implacables que recèle l’africanisation de la diplomatie de la paix, dans un contexte sans cesse appauvri par les conflits, où les contributions des États aux budgets des organisations régionales se font attendre et où chaque pays est contraint, en raison de l’instabilité, de faire à sa modeste façon la course aux armements

*Jean-Luc Stalon, doctorant à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, est actuellement chef de la Division de désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants au sein de la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire.

Cet article est rédigé à titre personnel et n’engage pas les Nations unies.

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