« La Centrafrique n’est pas un État sauvage »

Rébellions dans le Nord, critiques au vitriol des ONG, crispations avec la France, économie sinistrée… Le chef de l’État livre sa vérité et réaffirme, contre vents et marées, son objectif : rendre leur fierté à ses compatriotes.

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 16 minutes.

Les dernières averses d’une saison des pluies exceptionnellement longue cette année ont lavé Bangui des miasmes de la nuit. En cette journée d’octobre, la capitale centrafricaine brille comme une vieille limousine cubaine : propre, mais figée dans le temps puisque rien ou presque ici n’a été construit depuis plus d’un quart de siècle. L’heure s’est arrêtée il y a longtemps sur les rives de l’Oubangui. La faute aux guerres, aux coups d’État, aux mutineries, à la gabegie et à l’impéritie des dirigeants qui se sont succédé à la tête de cette cendrillon de l’Afrique centrale.
Arrivé au pouvoir par la force des armes, le général François Bozizé, 61 ans, s’efforce avec peine de remettre en marche l’horloge du développement. Longtemps sous-estimé, pour avoir su dissimuler pendant des décennies une ambition aussi tenace que maîtrisée, cet homme aux allures de faux naïf est né au Gabon d’un père gendarme originaire de la région de Bossangoa, dans le nord-ouest de la Centrafrique. Formé par les Français à l’École militaire de Bouar, il fut aide de camp de l’empereur Bokassa, ministre des présidents David Dacko et André Kolingba, putschiste malheureux contre ce dernier, emprisonné, torturé, exilé en France, candidat battu à la présidentielle, chef d’état-major d’Ange-Félix Patassé, réfugié au Tchad, de retour enfin à Bangui, triomphal et les bras en V, à la tête de ses « libérateurs », le 15 mars 2003. Un parcours chaotique que ce Gbaya – l’une des ethnies les plus influentes du pays – assume comme une longue épreuve initiatique destinée à le préparer au pouvoir.
Démocratiquement élu début 2005 à la suite d’un scrutin considéré comme acceptable par la communauté internationale, ce pentecôtiste adepte de l’Église du christianisme céleste-Nouvelle Jérusalem, au sein de laquelle il officie chaque week-end, est avant tout un solitaire. Nombreux sont ceux qui ont cru, à leurs dépens, pouvoir le manipuler. Aujourd’hui encore, c’est en homme seul qu’il affronte les tempêtes de l’heure : rébellions dans le Nord, virulentes critiques des ONG (le dernier rapport de Human Rights Watch sur la Centrafrique a pour titre « État d’anarchie »), grève des fonctionnaires, économie exsangue, méfiance des bailleurs de fonds, lourde tutelle française, opposants diurnes ou nocturnes Autant de questions auxquelles François Bozizé, dont les interviews sont rares, répond ici sans détours. Cet entretien a été réalisé le 11 octobre dans un salon du Palais présidentiel de Bangui, construit par Jean-Bedel Bokassa, lequel l’avait baptisé d’un nom surréaliste mais que l’on espère aujourd’hui, enfin, d’actualité : le Palais de la Renaissance.

Jeune Afrique : Le grand sujet du moment, à Bangui, c’est le « Dialogue politique inclusif » entre le pouvoir, l’opposition et la société civile. De quoi s’agit-il au juste ?
François Bozizé : D’une demande de l’opposition, à laquelle nous avons donné notre accord. Histoire de permettre à chaque partie de faire le point et de rectifier ce qui doit l’être. J’en attends beaucoup en termes d’apaisement du climat politique, en termes de suggestions aussi de la part de l’opposition. Je suis ouvert.

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Le lieu où se tiendra ce Dialogue prête à controverse, certains opposants souhaitant qu’il se déroule en terrain neutre, c’est-à-dire hors du pays.
Nous le tiendrons ici, à Bangui. En réservant la possibilité qu’une délégation investie par le comité préparatoire se rende auprès de ceux qui, pour des raisons judiciaires ou autres, préfèrent demeurer à l’extérieur.

J’imagine que vous voulez parler de l’ancien président Ange-Félix Patassé, qui vit à Lomé, et de son ex-ministre de la Défense Jean-Jacques Demafouth, en exil à Paris.
Entre autres.

Donc, le comité préparatoire pourrait se déplacer au Togo et en France ?
Effectivement. Ce sera à lui de décider.

Une partie de l’opposition armée, plus exactement les rebelles de l’Alliance pour la restauration de la démocratie (APRD), qui opèrent dans le Nord-Ouest et se réclament de Patassé, refuse de participer au Dialogue. Est-ce irréversible ?
Nous prendrons le temps qu’il faudra pour les amener à la table des négociations. Un mois, deux mois s’il le faut. Le Dialogue ne s’ouvrira que lorsque chacun se sentira prêt. Nous avons des contacts avec les chefs de l’APRD. C’est une question de temps.

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Pour l’instant, cette rébellion du Nord-Ouest demeure active
Moins qu’avant, ne serait-ce qu’en raison de la saison des pluies. Vous savez, cette rébellion est un peu une nébuleuse. Il y a la tendance Florian Djadder, la tendance Abdoulaye Miskine, la tendance Patassé dont on a dit à tort qu’elle était dirigée sur le terrain par son propre fils, etc. À tous, nous disons : venez à Bangui en toute sécurité et discutons.
Abdoulaye Miskine, que vous avez nommé au titre de conseiller à la présidence il y a trois mois, refuse toujours de prendre son poste. Il préfère demeurer en Libye. Pourquoi, selon vous ?
Je l’ignore. Peut-être redoute-t-il que la justice lui demande des comptes sur les exactions qu’il aurait commises en tant que seigneur de la guerre, à l’époque de Patassé. Je crois qu’il est conscient de ce passif et que cela lui pèse.

Autre cas : celui de Zakaria Damane, le chef militaire de l’autre rébellion, celle du Nord-Est. Lui aussi a été nommé conseiller à la présidence. Lui aussi n’est toujours pas venu à Bangui.
Cela n’a rien à voir. Damane est dans une région isolée et très difficile d’accès. Sa délégation a séjourné ici pendant un mois et nous sommes en contact téléphonique permanent avec lui. Il est tout à fait d’accord pour occuper son poste, dès que les circonstances le lui permettront.

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Il y a tout de même un problème. Les deux chefs politiques de son mouvement, Abacar Sabone et Michel Djotodia, sont en prison à Cotonou, au Bénin, depuis des mois, semble-t-il à votre demande. Pourquoi ne négociez-vous pas avec eux ?
Tout d’abord, les faits. Ces deux messieurs ne sont pas détenus à ma demande. Ils ont été arrêtés par la police béninoise pour avoir fait des déclarations politiques contre un gouvernement étranger, alors même qu’ils étaient en situation irrégulière sur le territoire béninois. Cette affaire est donc du ressort de la justice béninoise. En ce qui me concerne, je suis favorable à ce qu’ils participent, comme les autres, au Dialogue politique inclusif. Je vais donc envoyer une délégation à Cotonou pour discuter avec eux et avec les autorités béninoises des moyens de résoudre ce problème.

Deux ONG, Amnesty International, et, surtout, Human Rights Watch, ont publié coup sur coup en septembre deux rapports très critiques à propos de la situation des droits de l’homme dans le nord de la Centrafrique. La guérilla entre armée gouvernementale et rebelles y aurait fait, ces dernières années, plusieurs centaines de morts et des dizaines de milliers de déplacés. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Human Rights Watch fait son travail, et les points soulevés dans son rapport méritent qu’on s’y arrête pour rectifier ce qui doit l’être. Je regrette néanmoins que cette ONG ait cru bon de mener son enquête sans jamais entrer en contact avec les autorités, ne serait-ce que pour recueillir leur point de vue et confronter ses informations avec les nôtres. J’ai donc invité Human Rights Watch à revenir à Bangui pour que nous parlions cartes sur table.

Une unité de votre Garde présidentielle, basée à Bossangoa sous le commandement du lieutenant Ngaïkossé, est particulièrement visée dans ces rapports. Elle aurait commis de nombreuses exactions
Je ne nie pas qu’il y ait eu des bavures. Comme dans toute opération militaire, hélas. Et de part et d’autre, comme vous le savez. Quand je suis informé de ce genre de dérapage, je sévis avec rigueur : des militaires ont été rétrogradés, cassés, sanctionnés ou renvoyés dans leurs foyers. Pourquoi les ONG n’en parlent-elles pas ? Pourquoi ne s’intéressent-elles pas à ce qui constitue le terreau de l’insécurité, à savoir l’extrême pauvreté de nos populations ?

Le lieutenant Ngaïkossé a-t-il été sanctionné ?
Et pourquoi donc ? C’est un jeune officier de valeur, formé au Sénégal, qui n’a fait que son travail et qu’on a voulu salir sans preuves. Je ne prends pas une telle décision sur la base d’une enquête partiale, menée uniquement à charge. D’ailleurs, je ne reconnais nullement ce chiffre de centaines de civils tués.

Et les dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui au Tchad et au Cameroun ?
C’est une réalité, quoique ce chiffre, là encore, ne soit pas contractuel. Il s’agit pour la plupart de Peuls mbororos que les rebelles ont dépouillés de leurs biens. Certains sont installés au Tchad depuis l’époque Patassé.

On a l’impression, à lire ces rapports, qu’il existe de votre part une volonté délibérée de « nettoyer » le Nord-Ouest à tout prix.
C’est une aberration. Si nous nous mettions à tuer tout le monde, avec qui parlerions-nous ? Et puis, cette région est ma propre région natale, l’Ouham et l’Ouham Pende. Vous m’imaginez, moi, commanditant depuis mon Palais l’incendie des villages de ma région et l’extermination des populations ? Est-ce sérieux ? Qui pourrait croire une telle infamie ? Je crois qu’il y a, de la part de certains opposants habitués à manipuler les ONG, un petit jeu malsain. L’objectif est de faire croire au monde que la Centrafrique est un État sauvage où l’on égorge, où le sang coule à flot. Alors qu’il n’y a, ici, aucun prisonnier politique.

Dans une récente enquête sur la Centrafrique publiée par le quotidien britannique The Independent, l’éditeur du quotidien banguissois Le Citoyen, Maka Bossokoto, dit ceci : « Chaque matin, quand je me lève, je me demande dans quel lit je vais dormir le soir. Le mien, celui de l’hôpital ou celui de la morgue. » Terrible, non ?
C’est du bluff ! Lisez ses articles, vous verrez ce qu’il pense du pouvoir en place. Pourtant, son journal paraît. Et personne, depuis que je suis là, n’a jamais giflé ou brutalisé ce monsieur. Je laisse ces gens-là à leurs calculs, eux qui aimeraient tant passer pour des martyrs

Où en sont vos relations avec la France ?
Au beau fixe. La France nous a toujours soutenus. Nonobstant certains conflits d’ordre purement commercial qu’on a cherché, à tort, à politiser

Parlons-en. L’affaire Total par exemple. De quoi s’agit-il ?
Nous avons constaté que Total réalisait des bénéfices exagérés dans le domaine de la distribution des carburants en Centrafrique. Nous avons attiré l’attention de ses dirigeants sur ce point et créé une nouvelle société mixte de distribution, au sein de laquelle Total était appelée à prendre sa part. On va vers cette solution.

Tout de même. Il vous a fallu pour cela désavouer la Cour constitutionnelle qui, saisie par Total, s’était prononcée contre votre projet.
Les juges de la Cour se sont publiquement chamaillés sur ce point. Je les ai donc mis en garde, puis je les ai reçus pour leur expliquer qu’une institution comme la leur ne pouvait offrir un tel spectacle aux yeux des Centrafricains. Rien n’y a fait. Le fonctionnement de cette Cour est donc pour l’instant gelé de facto et les juges sont chez eux.

Pourquoi avoir fait encercler le siège de la Cour par la Garde présidentielle ?
Par mesure de sécurité. Pour éviter que ce bâtiment devienne un champ de bataille entre partisans des uns et des autres, tout simplement.

Deuxième affaire : Areva. Vous n’avez manifestement pas apprécié d’apprendre par voie de presse que ce grand groupe français était devenu propriétaire de la mine d’uranium de Bakouma.
C’est un peu cela. Nous avions signé avec la société canadienne Uramin un contrat d’exploitation des quelque 23 000 tonnes d’uranate du gisement de Bakouma. Cette convention prévoyait explicitement que l’accord du gouvernement centrafricain était un préalable nécessaire en cas de rétrocession. Or Areva s’est portée acquéreur d’Uramin sans notre consentement. D’où le blocage. Il est hors de question que notre patrimoine soit bradé par un jeu de capitaux à la Bourse de Londres. Le peuple centrafricain ne le comprendrait pas.

Donc ?
Eh bien, nous négocions avec Areva. Ils sont venus nous voir ici à Bangui à deux reprises. Si cela n’aboutit pas, nous saisirons nos avocats, mais je ne crois pas que cela soit dans l’intérêt de ce groupe. Après tout, le Niger a imposé à Areva de nouveaux accords et la Namibie s’est fait payer un ticket d’entrée. Pourquoi pas la Centrafrique, pauvre d’entre les pauvres ? Ce serait la moindre des choses

Troisième affaire : l’incident du 14 juillet dernier, à l’ambassade de France à Bangui. Il y a eu une échauffourée entre vos gardes du corps et les gendarmes français, à la suite de quoi Paris a décidé de retirer ses conseillers de la Garde présidentielle. Difficile de dire qu’il s’agit d’un conflit commercial.
Comme vous le dites, il s’agit d’une querelle de service entre gardes du corps, qui n’aurait jamais dû prendre une telle ampleur. Voici l’histoire. J’arrive à l’ambassade pour assister à la réception du 14 juillet. Une bagarre éclate entre ma sécurité et celle de l’ambassadeur. J’ouvre la portière de mon véhicule et je vois les gendarmes français en pleine altercation avec l’un de mes fils, le sous-lieutenant Franklin Bozizé. Motif : seuls quatre de mes éléments sont autorisés à pénétrer avec moi dans l’enceinte de l’ambassade, ce qui est à la fois insuffisant et paradoxal puisqu’on a laissé entrer auparavant, et au grand complet, la sécurité du Premier ministre et celle du président de l’Assemblée nationale, soit une vingtaine de personnes au total ! Je l’ai dit à l’ambassadeur : la responsabilité de cet incident incombe à la partie française. Suite à cette histoire, les instructeurs détachés par Paris au sein de ma garde rapprochée ont tous été rappelés. Tout cela me paraît bien disproportionné et, pourquoi ne pas le dire, vexatoire. Savez-vous que, dans les quartiers, certains exigeaient déjà que je rompe les relations avec la France ? Heureusement que je sais raison garder.

Est-ce pour cela que vous avez fait appel à des militaires sud-africains afin d’encadrer votre sécurité personnelle ?
Effectivement. Du jour au lendemain, sans préavis, je me suis retrouvé seul ou presque, entouré d’éléments en voie de formation. Le président Thabo Mbeki, qui avait déjà donné son accord de principe fin 2006 pour dépêcher des instructeurs militaires en Centrafrique, a accepté de précipiter le mouvement et d’affecter une quinzaine de ses hommes à ma sécurité.

Et les éléments tchadiens de votre garde ?
Ils sont toujours là, avec leur armement lourd, au sein de la Garde présidentielle. Mais ce ne sont pas eux qui assurent ma sécurité rapprochée. Chacun sa spécialité, ici comme partout ailleurs.

Comment a réagi Paris à cette incursion de Pretoria au sein de son « pré carré » ?
Je crois que la notion même de pré carré est jugée obsolète à l’Élysée. Pour le reste, le président Mbeki avait à l’époque informé le président Chirac de sa volonté de répondre favorablement à ma demande d’assistance. Il n’y a donc pas eu d’effet de surprise.

Il n’est un secret pour personne à Bangui que les Français souhaitaient, voire exigeaient, que votre neveu Sylvain Ndoutingaï cesse de cumuler les portefeuilles ministériels des Finances et des Mines. Apparemment, ils ont obtenu gain de cause puisque le ministère des Finances vient d’être confié à une autre personnalité
J’ai décidé ce mouvement pour deux raisons. D’abord parce que cette double casquette était très lourde, sans doute trop, pour un seul titulaire. Ensuite parce que, c’est vrai, ce cumul avait eu pour effet de déclencher un acharnement critique injustifié à l’encontre de Sylvain Ndoutingaï. Il fallait donc le protéger.

L’opinion centrafricaine s’interroge encore sur les raisons pour lesquelles vous avez limogé, ces derniers mois, deux membres importants de votre gouvernement. Le ministre de l’Intérieur Michel Sallé et le ministre d’État chargé de la Communication Karim Meckassoua. Peut-on en savoir plus ?
En ce qui concerne Michel Sallé, il ne s’agit pas d’un limogeage mais de la prise en compte de son état de santé. Il est d’ailleurs devenu l’un de mes conseillers à la présidence. Pour Meckassoua, on peut effectivement parler de limogeage. La raison en est simple : en tant que ministre et sans en informer quiconque au préalable, il a décidé de faire projeter, dans le cadre d’un festival de cinéma organisé à Bangui, un film ultramilitant sur l’assassinat de Thomas Sankara et celui d’Henri Zongo. Totalement à charge, comme vous l’imaginez, contre le président Blaise Compaoré. Or, Compaoré est un grand ami du peuple centrafricain et un ami personnel. Il est intervenu ici lors des mutineries des années 1990 et le Burkina a formé à Pô une soixantaine de membres de la Garde présidentielle. Je reproche donc deux choses à Karim Meckassoua : ne pas avoir prévenu le Conseil des ministres de son initiative et avoir, par maladresse sans doute, mis en péril les relations de la Centrafrique avec un pays frère.

Apparemment, l’intéressé n’a guère apprécié sa mise à l’écart
C’est humain. D’autant qu’il a été l’un de nos compagnons de lutte. Mais il fallait réagir. Pour le reste, on verra. Karim est un fils du pays.

La Centrafrique vient de connaître une énième grève des fonctionnaires. La rentrée scolaire et universitaire a été une nouvelle fois repoussée. Pour le secteur de l’éducation, déjà sinistré, c’est un vrai désastre.
Je ne vous le fais pas dire.

Mais il faut les comprendre : ils ont des mois d’arriérés de salaires.
Ils avaient huit mois d’arriérés. Nous en avons payé deux. Il en reste six. Si ces grèves ne touchaient pas le secteur des douanes, paralysant ainsi les recettes de l’État, il y a longtemps que ce problème d’arriérés aurait été réglé. C’est un cercle vicieux.

Votre pays a atteint en septembre le point de décision de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Enfin une bonne nouvelle. Cela a été dur ?
Oui. Il a fallu que je prenne moi-même les choses en main. J’ai décidé il y a quatre mois de présider chaque semaine le comité de trésorerie qui se tient le jeudi, avant le Conseil des ministres. Rien ne sort du Trésor ni des banques sans mon autorisation. Mesure draconienne et exceptionnelle, qui durera jusqu’à ce que nous atteignions le point d’achèvement de l’initiative PPTE et l’annulation d’une partie de notre dette.

Vous avez conclu, en août, avec vos homologues soudanais Omar Hassan el-Béchir et congolais Joseph Kabila des accords de réouverture de vos frontières communes. Pourquoi sont-elles toujours fermées ?
Pour des motifs purement techniques. Côté soudanais, nous voulons que notre propre administration, qui s’est repliée sur Bangui suite aux événements de la fin 2006 et du début 2007, soit en place. Nous négocions en ce moment avec l’armée française son transport sur zone par avion. Côté RD Congo, nous attendions que les forces régulières congolaises aient achevé leur déploiement le long de la frontière en lieu et place des ex-miliciens de Jean-Pierre Bemba. C’est en bonne voie. En réalité, nos relations avec chacun de nos cinq voisins sont désormais fluides.

L’Union européenne est sur le point de lancer une vaste opération de sécurisation dans l’est du Tchad et le nord-est de la Centrafrique. Qu’en attendez-vous ?
C’est le résultat d’une demande que nous formulons depuis deux ans. Ces troupes européennes seront stationnées dans la région de Birao, à 1 000 kilomètres de Bangui, là où sont déjà positionnés deux cents militaires français. Le but est de prévenir toute incursion en provenance du Sud-Darfour. Je ne peux que m’en satisfaire.

Vous êtes au pouvoir depuis quatre ans et demi. Voyez-vous passer le temps ?
Hélas, non. Je ne me repose pas. Je travaille ici, je mange ici, je dors ici, dans ce Palais. Comme un célibataire. Il est rare que je me rende à ma résidence. Sécurité, économie, politique : je dois tout surveiller, tout régler.

Votre principal objectif ?
Rendre leur fierté et leur confiance aux Centrafricains.

Comment ?
Kwa na kwa. Le travail, rien que le travail.

Avez-vous un modèle ?
Le Burkina est un bon exemple. C’est un pays enclavé comme le nôtre, avec moins d’atouts que le nôtre et qui, pourtant, a su se prendre en main. Question de mentalité. À nous de changer la nôtre.

Vos adversaires vous décrivent sous les traits d’un dictateur reclus et paranoïaque.
C’est ridicule. Les droits de l’homme n’ont jamais été autant respectés qu’aujourd’hui. Je reçois tout le monde, sans arrêt, jusqu’à une heure avancée de la nuit. Et mon défaut, parfois, est de trop facilement accorder ma confiance.

La prochaine élection présidentielle est pour 2010. Serez-vous candidat ?
J’ai d’autres priorités, urgentes et quotidiennes. Je verrai le moment venu.

Rien ne s’y oppose.
En effet. La Constitution me donne droit à un deuxième mandat de cinq ans.

Vous êtes également pasteur. C’est important pour vous ?
Oui. Cela m’aide à tenir. Je vais au culte chaque dimanche. Je porte la soutane. Je prie, je guide et je médite.

Que Dieu aide la Centrafrique, donc
Que Dieu aide la Centrafrique. Mais je crois que Dieu est à nos côtés, sinon, avec toutes les épreuves que ce pays a traversées, nous n’existerions plus depuis longtemps.

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