[Tribune] Côte d’Ivoire-Ghana : fixer un prix plancher pour le cacao n’est pas suffisant
Des prix artificiellement élevés pourraient, à l’inverse des effets escomptés, envoyer un mauvais signal au marché et alimenter une réaction du côté de l’offre, prévient l’expert en matières premières Abah Ofon, qui suggère de travailler plutôt sur la création de chaînes d’approvisionnement intégrées.
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Abah Ofon
Expert en matières premières, fondateur de 3XG UK Consulting
Publié le 3 juillet 2019 Lecture : 3 minutes.
Le cacao africain à l’heure du « new deal » ?
Au sein du continent, qui représente plus de 75 % de la production mondiale du cacao, les ententes entre pays producteurs comme le Ghana et la Côte d’Ivoire ont conduit les géants du secteurs à revoir leur prix d’achat à la hausse. Quelle sera la prochaine étape ?
La trajectoire des prix du cacao a été déterminée, au cours des deux dernières décennies, par trois épisodes. Aux premiers trimestres de 2003 et de 2011, les cours ont grimpé principalement en raison des tensions politiques en Côte d’Ivoire. Et, plus récemment, au dernier trimestre de 2015, le coût de la tonne est remonté à 3 150 euros (3 327 dollars) à la suite d’une baisse de la production ouest-africaine induite par le phénomène climatique El Niño.
Bien que ces flambées aient généralement été suivies d’un repli des cours, c’est la chute des prix de 2016, pour les producteurs de cacao, qui a été la plus amère, en particulier sur le continent africain, qui représente plus de 75 % de la production mondiale.
Volatilité du marché
En effet, non seulement la baisse a été forte, mais elle s’est prolongée jusqu’à janvier 2018, alors même que les producteurs comme les négociants de cacao avaient été encouragés, auparavant, par une hausse quasi constante des cours depuis 2013. Le cacao a cédé la moitié de sa valeur durant cette période, et les conséquences ont été particulièrement sévères pour les producteurs et les négociants en Côte d’Ivoire et au Ghana, dont certains sont les plus vulnérables dans la chaîne d’approvisionnement.
C’est dans ce contexte que ces deux pays – qui représentent ensemble environ 60 % de la production mondiale – ont récemment annoncé un prix minimal du cacao de 2 600 dollars la tonne pour la commercialisation de leurs fèves lors de la prochaine campagne (2020-2021). Cela n’est nullement une surprise si l’on considère les conséquences macroéconomiques et fiscales négatives de la volatilité du marché du cacao pour ces économies.
Attirer de jeunes agriculteurs
Les deux États, qui ont mené une étude pour déterminer le prix plancher du cacao, avaient l’an dernier déjà alerté le marché de leur intention de synchroniser le début de leurs saisons cacaoyères et de collaborer à la fixation des prix de leur production – notamment en s’accordant sur les volumes de cacao à injecter sur le marché afin d’exercer une influence accrue sur les cours.
Outre la volonté de voir leurs cacaoculteurs mieux rémunérés, les responsables politiques soutiennent qu’un prix minimal est nécessaire pour attirer une jeune génération d’agriculteurs dans le secteur du cacao.
Un cours minimal de 2 600 dollars la tonne ne relève pas d’une ambition démesurée. Le marché a déjà fait face à des prix beaucoup plus élevés par le passé. Mais, comme sur d’autres marchés de produits de base, la hausse des cours résulte généralement d’un rationnement de la demande dans un contexte d’offre limitée ou d’un enchérissement important et prolongé des intrants.
Diversification nécessaire
Des prix artificiellement élevés pourraient, à l’inverse des effets escomptés, envoyer un mauvais signal au marché et alimenter une réaction du côté de l’offre, de la part d’autres producteurs, notamment asiatiques – comme la Malaisie et l’Indonésie –, qui ont à la fois la capacité de broyage des fèves et une faculté de réaction importante pour profiter de cette opportunité.
Sans compter que cette politique commune, pour être efficace, devra encore relever un certain nombre de défis : la Côte d’Ivoire et le Ghana parviendront-ils à former une coalition stable ? Ce prix plancher sera-t-il étendu au-delà de la saison cacaoyère 2020-2021 ? Et parviendront-ils à convaincre le marché de la solidité de cette nouvelle position ?
Au-delà de la fixation d’un prix minimal, l’industrie cacaoyère africaine doit surtout se diversifier davantage pour répondre à la demande et capter une plus grande part des revenus – aujourd’hui 20 % – créés par la filière. Cela pourrait s’avérer une voie plus pérenne vers des revenus plus élevés pour le cacao. De la même façon, des chaînes d’approvisionnement intégrées constitueraient un bon antidote à la volatilité des prix des produits de base, car ceux-ci sont susceptibles de procurer des marges plus importantes aux niveaux supérieurs du cycle de production agro-industriel.
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Le cacao africain à l’heure du « new deal » ?
Au sein du continent, qui représente plus de 75 % de la production mondiale du cacao, les ententes entre pays producteurs comme le Ghana et la Côte d’Ivoire ont conduit les géants du secteurs à revoir leur prix d’achat à la hausse. Quelle sera la prochaine étape ?
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