Habana, l’arme fatale

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

« L’humanoïde », « l’homme-obus », « l’anguille culturiste » Bryan Habana inspire les commentateurs. À tout juste 24 ans, la perle métisse des Springboks sud-africains vient d’égaler le record du mythique Jonah Lomu en inscrivant huit essais lors de la Coupe du monde en France. Et ce n’est peut-être pas fini, puisque, le 20 octobre au Stade de France, les « Boks » affrontaient en finale les Anglais, qu’ils avaient surclassés (36-0) en match de poule Le quinze de la Rose a toujours assez bien réussi à Habana : lors de sa première sélection, le 20 novembre 2004 à Twickenham, il avait inscrit un essai dès son premier ballon !

Issu d’une famille plutôt aisée de Johannesburg, il a de qui tenir : son père fut lui-même un bon joueur de rugby, même s’il ne parvint jamais à s’imposer au plus haut niveau, à cause de la ségrégation raciale. Gamin, Bryan était davantage attiré par le football et rêvait des stars de Manchester United. Il a découvert le rugby en 1995, pendant la Coupe du monde gagnée à domicile par l’Afrique du Sud, et est tombé amoureux du maillot vert et or.

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Doté d’une accélération fulgurante (il court le 40 m en moins de 4 »7), il aurait pu réussir dans n’importe quel sport. Grâce à lui et au prometteur François Steyn, les Springboks, traditionnellement réputés pour la rudesse et la combativité de leurs avants, développent un jeu plus conquérant et ambitieux. Ils forment sans doute l’équipe la plus séduisante de ce Mondial, qui a quand même fait la part belle à la défense.
Au-delà du phénomène, il y a le symbole. Habana, héros de ce sport blanc par excellence qu’est le rugby ? En fait, il y a belle lurette que la cause des métis n’en est plus vraiment une. Ils sont six à porter le maillot floqué de la petite antilope. Allister Coetzee, autre métis, est entraîneur adjoint et pourrait succéder à Jack White si celui-ci décidait de passer la main. JP Pietersen (21 ans), natif de Stellenbosch, le berceau du rugby métis, est la star en devenir de la sélection. Auteur de quatre essais (avant la finale), cet ailier presque aussi rapide que Habana est déjà un héros national : c’est lui qui a plaqué le géant fidjien Ifereimi Rawaqa alors qu’il s’apprêtait à marquer un essai sans doute décisif lors d’un quart de finale très disputé.
Le cas des Noirs est plus problématique : l’équipe n’en compte qu’un seul, l’ailier Ndungane, et il est remplaçant. Le vivier des rugbymen noirs manque de profondeur. Pour des raisons diverses, les rares Blacks qui ont porté le maillot des Boks depuis quinze ans n’ont jamais vraiment convaincu. De nombreux hommes politiques noirs s’en émeuvent. Makhenkesi Stofile, le ministre des Sports, regrette, par exemple, que l’équipe « ne soit pas à l’image de la nouvelle Afrique du Sud ». Et que le rugby reste attaché à son passé de « sport d’ancien régime ». Après avoir vainement tenté de modifier la composition de l’équipe, le ministre a promis l’instauration prochaine d’un quota minimum de dix Noirs dans la sélection. Même si le Sport Amendment Bill lui en donne le droit, une telle décision serait sportivement absurde. Stofile voudrait aussi que les Boks renoncent à leur antilope fétiche, trop connotée, au profit de la protea, une fleur adoptée comme emblème par les autres sports

La polémique, qui dure depuis des mois, a opportunément été mise entre parenthèses pendant la Coupe du monde. Même si leurs exploits laissent les townships plutôt indifférents, les Springboks ont retrouvé leur supporteur numéro un : Nelson Mandela. L’icône de la lutte antiapartheid, dont les encouragements avaient galvanisé les héros de 1995, n’a pas manqué un seul match cette année. Fatigué, il ne s’est pas rendu en France pour la finale, mais a envoyé un message vidéo aux joueurs. Pour les inviter à se surpasser.

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