Fulton, ou le cauchemar américain

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

Pour les 12 000 habitants de Fulton, petite ville industrielle de l’État de New York, la fabrique de chocolat Nestlé était plus que cette « bâtisse traditionnelle de briques rouges, comme on en trouve des milliers aux États-Unis », ainsi que la décrit aujourd’hui le porte-parole du groupe suisse, François-Xavier Perroud. C’était un pan de l’histoire municipale, une vieille dame qui, depuis son installation, au début du XXe siècle, faisait vivre 500 à 1 500 employés et leurs familles, selon les époques. Quand le vent d’Ouest soufflait, le site de 15 hectares exhalait l’odeur chaude des fèves de cacao grillées jusque dans les rues. « The Plant », comme l’appelaient les habitants de Fulton, c’était aussi une survivante de l’automatisation et des délocalisations qui avaient frappé sa voisine, la Brasserie Miller, dont la fermeture, en 1994, priva la ville de 900 emplois.
Rescapée, l’usine Nestlé le fut pour quelques années seulement Un jour d’octobre 2002, un communiqué du groupe annonce que, « après mûre réflexion », l’interruption des activités a été décidée pour mai 2003. L’outil de production est vieillissant et le chocolatier suit le sens du vent : la mode est aux friandises sophistiquées, aux barres de chocolat à plusieurs couches dont l’emballage compte autant que le contenu. L’appareil de production n’est plus adapté. Assurant ne pas trouver d’acquéreur, Nestlé tire le rideau à la date prévue, tout bonnement. Les quelque 500 salariés, auxquels le groupe dit avoir proposé un « plan social acceptable », selon François-Xavier Perroud, se retrouvent au chômage.
Pour Fulton, c’est le début d’un feuilleton. Les hommes politiques locaux s’emparent de l’affaire. S’ils n’ont pu empêcher Nestlé de fermer l’usine, ils veulent éviter la vente aux enchères, par lots, du matériel, qui dissuaderait tout repreneur potentiel. Hillary Clinton et Charles E. Schumer, sénateurs démocrates de l’État de New York, écrivent en ce sens au président-directeur général de Nestlé aux États-Unis en août 2003. Le gouverneur de l’État de New York, George Pataki, se mobilise. Les gazettes locales suivent le dossier au jour le jour. En septembre, comme prévu, la vente aux enchères a néanmoins lieu. Mais c’est un fonds de pension, Lion Capital Management Group (LCMG), qui avait déjà pris langue avec le Fonds de régulation du cacao (FRC), qui achète l’essentiel de l’équipement et propose un projet de reprise aux autorités locales. Trop heureuses, ces dernières achètent le terrain et les murs de l’usine à Nestlé puis le cèdent à LCMG. Arrivant en sauveur dans une ville qui a vu l’horizon s’assombrir, LCMG se voit proposer des subventions. « La devise de Fulton, Une ville d’avenir, veut de nouveau dire quelque chose », se réjouit un journal local.
La bataille semble gagnée. L’usine devient en octobre 2005 la New York Chocolate and Confections Company (NYCCC). Ses nouveaux dirigeants, le FRC et LCMG, promettent de produire 16 000 tonnes de chocolat par an. Près de 100 emplois doivent être créés la première année, et près de 400 à l’issue de la troisième. L’usine reprend ses activités à l’automne 2004. De la poudre de chocolat, des barres de riz soufflé sortent des tubes. Mais les factures ne sont pas payées et les investissements promis ne viennent pas. Un an après la réouverture de l’usine, la production est interrompue. Depuis, « The Plant » attend toujours d’être fixée sur son sort.

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