Niger : « L’organisation du sommet de l’UA a été un grand défi pour le pays »

Sécurité, infrastructures, impact sur les opérateurs économiques… À la veille de l’ouverture du sommet exceptionnel de l’Union africaine à Niamey, Mohamed Saidil Moctar, le ministre en charge de l’organisation, révèle les ambitions du Niger et justifie les travaux dispendieux occasionnés.

Quelque 4 000 participants sont attendus du 4 au 7 juillet à Niamey pour le sommet de l’Union africaine. © Vincent Fournier/J.A.

Quelque 4 000 participants sont attendus du 4 au 7 juillet à Niamey pour le sommet de l’Union africaine. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 3 juillet 2019 Lecture : 5 minutes.

Le sommet de l’Union africaine (UA) s’apprête à s’ouvrir dans un contexte sécuritaire particulier. Lundi, le Niger, pays hôte, a essuyé une nouvelle attaque terroriste dans un camp de l’armée à l’Ouest, près de la frontière malienne, faisant au moins 18 morts et quatre portés disparus parmi les militaires. Une riposte de l’armée nigérienne, avec un appui aérien français et américain, « a permis de mettre l’ennemi en déroute hors de nos frontières », avait annoncé le ministère de la Défense. L’attaque n’a néanmoins pas remis en cause l’ouverture du sommet de l’UA à Niamey, où quelque 4 000 participants sont attendus du 4 au 7 juillet.

Alors qu’une réforme de l’UA en avait pourtant supprimé le traditionnel sommet de milieu d’année – le remplaçant par une réunion restreinte intitulée « sommet de coordination » -, le Niger n’a pas hésité à convoquer cette réunion extraordinaire, durant laquelle une cinquantaine de chefs d’État sont attendus pour célébrer le premier anniversaire de la signature du traité instituant la Zone de libre-échange continentale (Zlec).

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Si l’Union africaine se serre la ceinture, réduisant son budget régulier pour la deuxième année consécutive, avec une baisse de 32 millions de dollars (28 millions d’euros) prévue pour 2020, le Niger semble bien décidé à accueillir ses invités avec apparat. Construction du centre de conférences Mahatma-Gandhi (qui ne sera pas achevé à temps pour le sommet), rénovation du Palais des congrès, inaugurations de l’aéroport international Diori Hamani et de l’hôtel Radisson Blu par le président Mahamadou Issoufou… Des rénovations coûteuses et des inaugurations en série, pour un coût total estimé à près de 450 milliards de francs CFA.

Mohamed Saidil Moctar, ministre et conseiller spécial du président, planche depuis 2016 sur l’organisation du sommet. Il est le directeur général de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence de l’Union africaine (Agence UA Niger), une structure rattachée à la présidence créée spécialement pour l’événement. Le ministre, qui cite Dubaï et Kigali en modèles et rêverait de faire de la capitale nigérienne un haut lieu d’accueil d’événements internationaux, se défend de toute ambition démesurée.

Jeune Afrique : Les travaux du centre de conférences Mahatma Gandhi, qui devait abriter une partie de l’événement, ne seront pas achevés avant le début du sommet. Niamey est-elle prête pour accueillir le sommet, et la capitale est-elle sécurisée ?

Mohamed Saidil Moctar : L’organisation du sommet a été un grand défi pour le pays. La ville de Niamey et ses environs ont été totalement sécurisés. Nous nous sommes assurés du déploiement d’un nombre conséquent d’éléments des forces de sécurité. Toutes les infrastructures sont quasiment opérationnelles, prêtes pour accueillir les chefs d’État.

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En ce qui concerne le centre de conférences Mahatma Gandhi, les travaux n’ont commencé qu’en novembre 2018, et nous avons rencontré des perturbations pour acheminer certains équipements venus de l’étranger. Les travaux se poursuivent pour en achever la construction, mais le Palais des congrès, entièrement rénové pour l’occasion, sera en mesure d’accueillir le sommet.

Ne craignez-vous pas d’avoir investi d’importants moyens dans la construction d’infrastructures coûteuses, qui, une fois le sommet achevé, ne seront plus utilisées ?

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La construction d’infrastructures de standing et le renforcement de notre savoir-faire répondent à notre volonté de faire de Niamey un pôle d’organisation d’événements d’envergure internationale et du tourisme d’affaires. Notre objectif est de rehausser notre diplomatie et de faire connaître le Niger. Le pays est d’ailleurs retenu pour organiser la conférence de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) en 2020. Nous avons pour modèles les « success story » que sont Dubaï ou le Rwanda. Nous sommes en train de suivre leur voie afin d’être, un jour, à leur niveau.

Parmi les 450 milliards de F CFA qui ont été investis, 80 % ont été assurés par les investisseurs privés

Le Niger consacre déjà 15 % de son budget à la sécurité, contre 10 % pour l’éducation, ou 1 % pour la justice. La priorité en matière d’investissement réside-t-elle dans l’organisation d’événements internationaux ?

Nous sommes conscients de cette situation, mais il faut rappeler que ces infrastructures n’ont rien coûté à l’État nigérien. Le budget des dépenses prioritaires (éducation, santé, questions sécuritaires, etc.) n’est pas modifié. Parmi les 450 milliards de F CFA qui ont été investis, 80 % ont été assurés par les investisseurs privés. Les 20 % restants correspondent aux travaux de voirie. Les hôtels ont été entièrement construits par des acteurs privés, que ce soit des compagnies étrangères (le Turc Summa, le groupe Teylium du Sénégalais Yérim Sow) ou nigériennes. En vérité, ce sommet pourrait apporter un impact positif pour les opérateurs économiques installés au Niger.

L’entrée en vigueur de la Zlec marquera le début de la création d’un marché unique sur le continent

Quel type d’impact ?

L’organisation du sommet nous a permis de renforcer les capacités des ingénieurs et des ouvriers nigériens. En tout, plus de 5 000 personnes ont été formées, plus de 1 500 emplois permanents ont été créés avec l’ouverture des hôtels. Mais surtout, nous avons mis en place les conditions nécessaires pour que les opérateurs privés viennent investir au Niger. Si nous avons réussi à les attirer ici, c’est bien parce qu’il y a des perspectives.

Après la signature à Kigali, le 30 mai dernier, du traité portant création de la Zlec, la zone de libre-échange entrera définitivement en vigueur à l’occasion du sommet. Quelles décisions seront prises à l’occasion de cette rencontre ?

À présent que nous avons cumulé plus de 22 ratifications [le Nigeria a annoncé le 2 juillet qu’il signera à Niamey l’accord de libre-échange continental, ndlr], nous allons pouvoir commencer à travailler sur la Zlec. Les chefs d’État vont se réunir pour choisir le siège du secrétariat général, arrêter les statuts, les cadrages budgétaires et de financement du secrétariat général. Nous ne pouvons que saluer l’entrée en vigueur de la Zlec, qui marquera le début de la création d’un marché unique sur le continent.

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