Dix grains de raisin

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

Prenez vos cahiers. Voici le problème : Sonia achète trois grappes de raisin chez Ali, le fruitier. Au total, cela fait 50 grains.
– Ben, M’sieu, elles sont pas grosses, les grappes. Mon grand-père, il en a, du raisin Faut voir comme il est beau. Il en a du blanc et du noir.
– Lionel, on ne parle ni de ton grand-père ni de son raisin. C’est l’énoncé d’un problème. Donc, sur les 50 grains, 10 sont abîmés. Sachant que Sonia a payé 100 centimes, combien Ali devra-t-il lui donner pour la rembourser de ces 10 grains qu’elle n’a pas pu manger ?
– Mais, M’sieu, jamais Ali lui rendra de l’argent. Il lui donnera une autre grappe pour qu’elle ne raconte pas partout qu’il a de la marchandise trop moche.
– Mourad, tu as entendu ce que j’ai dit à Lionel ? C’est un problème de calcul. Alors, on fait les opérations et on me donne le résultat.
– C’est 100 centimes de quoi, M’sieu ?
– Peu importe la monnaie.
– Mais si, c’est important. Dans la classe d’anglais, on nous a dit qu’en Angleterre ils ont pas de centimes.
– Et puis, qu’est-ce que c’est que cet Ali ? Vous avez dit fruitier, mais, pour moi, c’est rien qu’un épicier, et malhonnête, puisqu’il vend du raisin pas frais
– Est-ce que je peux avoir un peu de calme ? Je vous dis de faire ce problème, un point c’est tout.
– Sans compter que la Sonia, elle sait même pas faire ses commissions. Quand ma mère achète du raisin, elle regarde s’il est bien frais. Et puis, elle n’a pas peur de dire qu’elle veut le goûter avant
– Mourad, vas-tu te taire et faire le problème ?
– M’sieu, votre problème, il est pas facile.
– Mourad, tu n’as qu’à appliquer la règle de trois. Je vous l’ai expliquée il y a moins d’une demi-heure.
– Mais, M’sieu, moi aussi je trouve que votre problème, il est pas facile.
– Lionel, je ne t’ai pas demandé ton avis.
– On est en démocratie, M’sieu. Mon avis, il est aussi bon que le vôtre.
– Mais non ! Moi, je suis le maître, et vous, vous êtes les élèves. Je vous donne un problème et vous devez le résoudre.
– Vous appelez ça un problème, une histoire d’épicier malhonnête ? Et en plus, c’est un Arabe !
– Lionel, tais-toi. Je ne tolérerai pas de raciste dans ma classe.
– Mais, M’sieu, c’est vous qui avez commencé. Vous nous embêtez avec un épicier qui s’appelle Ali, pourquoi pas Jacques ou Nicolas ? Et puis, qu’est-ce que ça veut dire que vous tolérarera ?
– J’ai dit : je ne tolérerai pas. Tolérer, ça veut dire supporter ou accepter.
– Alors, pourquoi vous n’avez pas dit que vous n’accepterez pas ?
– Lionel, pour te supporter, il faut une patience que je n’ai plus. Mes enfants, c’est l’heure de rentrer chez vous. Vous n’avez pas arrêté de faire des réflexions au lieu de travailler. Vous m’avez déçu et énervé. Et vraiment, le problème était simple. J’espère que demain, vous serez dans de meilleures dispositions et nettement plus travailleurs
– Oui, M’sieu, comptez sur nous. Mais franchement, ça valait pas la peine de se casser la tête pour 20 malheureux centimes

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