Compliqué comme la lune
Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.
A l’occasion de la fin du ramadan, de l’Aïd al-Fitr donc, la police d’Amsterdam a eu l’idée d’envoyer ses vux à la population musulmane de la ville, qui représente quand même près du quart du total des habitants. C’est une excellente idée et on ne saurait trop louer la tête d’uf galonnée qui l’a eue.
Donc, des vux. Mais comme les Hollandais font les choses très bien, avec un grand sens de l’organisation et du détail, ils voulaient que la lettre de vux arrivât dans les foyers musulmans le matin même de la fête. On imagine le père de famille ouvrant d’un doigt ému la missive, puis lisant, d’une voix mâle mais tremblante d’émotion, ladite missive à la famille assemblée, et celle-ci pleurant de joie à l’idée que la force publique ait eu une pensée pour elle en ce jour sacré. Les femmes lancent des youyous pendant que les morveux courent dans tous les sens, morts d’excitation.
Mais ce scénario qui aurait tiré des larmes à une statue n’aura pas lieu. Parce que quand il s’est agi pour la police de fixer avec la poste la date de la remise des cartes de vux, elle s’est heurtée à un petit problème : impossible de mettre les musulmans d’Amsterdam d’accord ! Les Marocains prétendaient que c’était le vendredi. Certains Turcs en tenaient pour le jeudi, d’autres pour le samedi. Les trois Libyens qui habitent Amsterdam jetaient les hauts cris, mais sans trop se mettre d’accord sur le jour exact. Les Saoudiens affirmaient, le chéquier à la main, que c’était tel ou tel jour, mais en tout cas pas celui de Qatar (ou de Dubaï, on s’y perd). Quant aux Iraniens, ils ricanaient dans leur barbe et on ne sait même pas s’ils fêtent Aïd al-Fitr.
Le chef de la police appelle l’université et consulte des experts en islam :
– Mais enfin il suffit de regarder la lune ?
Le naïf On lui explique la géostratégie de l’Aïd, qui n’a rien à voir avec la position de la lune.
Mais le pire, c’est quand certains musulmans se sont aperçus que la police comptait féliciter également les ahmadis. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de Pakistanais aux Pays-Bas qui se disent musulmans – et du moment qu’ils le disent, pourquoi ne pas les croire ? – mais qui, appartenant à la secte ahmadie, admettent l’existence d’un autre prophète, apparu au XIXe siècle, c’est-à-dire hier.
– Comment ça, les ahmadis ? ont hurlé Marocains et Turcs, pour une fois réunis dans une vertueuse indignation. Mais ce ne sont pas des musulmans, ce sont des mécréants !
Et de menacer de renvoyer les cartes de vux, qu’elles arrivent jeudi, vendredi ou samedi, si par malheur un seul ahmadi en recevait une.
Finalement, la police a sagement décidé d’annuler l’opération.
Tout ça, c’est la faute à la lune, bien sûr.
