Cécilia Sarkozy

Après avoir été de tous les combats politiques de son mari jusqu’à la consécration suprême, l’épouse du président français jette l’éponge pour retourner dans l’ombre. Chronique d’un divorce annoncé et médiatique.

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 6 minutes.

Etrange malédiction que celle qui frappe les deux « finalistes » de la dernière présidentielle française Après Ségolène Royal et François Hollande, c’est donc au tour de Nicolas et Cécilia Sarkozy d’annoncer leur séparation. La rumeur enflait depuis des semaines, nourrie par les défections répétées de la première dame. Le 6 mai, Cécilia n’a pas voté. « J’ai préféré ne pas me montrer, ne pas m’exposer, me protéger », explique-t-elle aujourd’hui dans une interview au quotidien L’Est républicain. Elle n’a pas non plus participé au déjeuner organisé en août avec la famille Bush, prétextant une angine blanche. Mais on l’a photographiée, le lendemain, court vêtue faisant du shopping Pas plus qu’elle ne s’est rendue en Bulgarie, le 4 octobre, alors qu’elle avait joué un rôle décisif dans la libération des infirmières détenues en Libye. En fait, la dernière apparition publique du couple remonte au 14 juillet.

Un premier communiqué laconique (quinze mots) de l’Élysée, publié le 18 octobre à 13 h 20, officialise la rumeur : « Cécilia et Nicolas Sarkozy annoncent leur séparation par consentement mutuel. Ils ne feront aucun commentaire. » Un second, à 15 h 15, juge utile de préciser que cette séparation signifiait un divorce. Le calvaire de David Martinon, le porte-parole du palais, harcelé par les journalistes en quête d’informations, s’achève. L’étrange romance du couple Sarkozy aussi.
« Je ne me vois pas en First Lady, ça me rase. » Cécilia Sarkozy, 50 ans le 12 novembre prochain, n’aura donc pas eu à tenir le rôle bien longtemps. Pourtant, tout le monde croyait qu’elle était une femme de pouvoir. N’a-t-elle pas été de tous les combats politiques menés par son mari ? Ne l’a-t-elle pas suivi à Bercy, place Beauvau, à l’UMP, où elle disposait même de son propre bureau ? Ne s’est-elle pas engagée aux côtés de son époux jusqu’à gérer son agenda, l’aider à choisir – et parfois à écarter – ses collaborateurs ? Elle y croyait, elle a essayé. En vain.

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La cassure remonte à l’année 2005, celle de la première, et déjà très médiatisée, séparation. « Il m’est arrivé un événement il y a deux ans, confie-t-elle, dont la France est malheureusement au courant. J’ai rencontré quelqu’un [le publicitaire Richard Attias, NDLR], je suis tombée amoureuse, je suis partie. » Pourquoi être revenue, alors ? « J’ai voulu essayer de me comporter correctement et de revenir pour essayer de reconstruire quelque chose, pour tenter de revenir à des principes auxquels je suis habituée, avec lesquels j’ai été élevée », explique-t-elle. Mais voilà, Cécilia ne s’est jamais faite à cette exposition permanente. Elle aime « l’ombre, la sérénité, la tranquillité ». C’est là que réside le paradoxe : s’engager près de vingt ans dans ce combat aux côtés de son mari, parvenir au but, en pleine lumière, pour finalement jeter l’éponge et retourner dans l’ombre. Pour le reste, c’est l’histoire banale d’un couple qui ne s’aime plus, ne fonctionne plus. « Les raisons sont inexplicables, ces choses-là arrivent à beaucoup de gens. Ça nous est arrivé », raconte-t-elle. Point final.
Depuis 2002, leur duo affole les paparazzi. C’était l’image d’un couple moderne à côté duquel les Chirac ont pris un sacré coup de vieux. Ils incarnaient sur papier glacé cette autre conception de la politique chère à « Sarko », cette nouvelle droite, décomplexée, qui s’affiche sur un yacht appartenant à Vincent Bolloré, fête sa victoire au Fouquet’s, monte les marches de l’Élysée entourée de sa famille recomposée, porte des Ray-Ban Aviator, des tee-shirts de rappeurs Franklin Marshall ou des shorts Nike, côtoie ostensiblement les vedettes du show-biz ou les capitaines d’industrie millionnaires.
Les Sarkozy ont toujours innové. Jamais un couple présidentiel ne s’était à ce point exposé dans les médias. Et jamais les locataires de l’Élysée n’avaient divorcé en cours de mandat. Certes, François Mitterrand menait une double vie et Jacques Chirac était coureur de jupons. Mais tous deux ont toujours cherché à sauver les apparences.
L’histoire d’amour des Sarkozy n’a jamais été un long fleuve tranquille. Jeune maire de Neuilly (29 ans), Nicolas célèbre le mariage de l’ex-mannequin avec l’animateur télé Jacques Martin en 1984. Il avouera plus tard : « Ce jour-là, j’ai su qu’elle était pour moi. » Il attendra jusqu’en 1988, date à laquelle elle quitte Jacques Martin.
Comme Nicolas, Cécilia Maria Isabel Ciganer Albéniz est fille d’immigrés. Son père, André Ciganer, est issu d’une grande famille de propriétaires terriens moldaves qui ont fui les Soviétiques, comme le fit le père du chef de l’État. Sa mère, Teresita, fille d’ambassadeur et petite-fille du compositeur Isaac Albéniz, est espagnole.
Cécilia aura deux filles, Judith et Jeanne-Marie Martin. Nicolas, lui, est marié avec Marie-Dominique. De leur union sont nés deux garçons : Jean et Pierre. Douze ans et deux divorces plus tard, le 23 octobre 1996, Nicolas épouse Cécilia, qui lui donnera un fils, Louis, en 1997. À cette époque, Sarkozy est toujours en pleine traversée du désert. Il subit toujours les conséquences de sa « trahison », Chirac ne lui ayant pas pardonné d’avoir choisi Édouard Balladur lors de la présidentielle de 1995. Au RPR, il est en quarantaine. Mais côté vie privée, c’est le temps du bonheur.

Au fil de son ascension politique, Sarkozy fera le choix d’exposer médiatiquement sa famille. Une stratégie payante dans un premier temps. On les compare très tôt à la très glamour famille Kennedy. Sarko devient humain, accessible, sympathique. Il se met en scène. Bon père de famille, avec le petit Louis, celui qui, en plein congrès pour l’investiture du candidat de l’UMP à la présidentielle lancera, sur écran géant, le désormais célèbre « bonne chance mon papa ». Sportif, sain de corps et d’esprit, quand il aligne les kilomètres à pied ou à vélo devant les caméras. Sauf quand un photographe immortalise sa rencontre – fortuite – de joggeur avec Dominique de Villepin. Difficile de soutenir la comparaison, il est vrai, avec l’Apollon de Matignon
La pipolisation des politiques ? C’est en grande partie grâce à (ou à cause de) lui. Les Français, contrairement aux Anglo-Saxons, ont toujours feint de ne point s’intéresser à la vie privée de leurs dirigeants et les journalistes n’ont jamais franchi certaines lignes jaunes dès qu’il s’agissait de la vie privée de leurs hommes et femmes publiques. Ce temps semble aujourd’hui en partie révolu. En maillot de bain sur la plage, la nouvelle compagne de François Hollande fait la une de Closer, hebdomadaire people pas franchement distingué. Pourtant, contrairement à Ségolène ou à Cécilia, elle ne joue pas de rôle politique, argument généralement mis en avant par les médias pour justifier l’immixtion des journalistes dans la sphère privée des dirigeants français.

Une certaine pudeur reste cependant toujours de mise. Ainsi hésite-t-on encore à citer les noms. Comme lors de la première séparation du couple Sarkozy, en 2005. On parle de l’amant de Cécilia, pas ou peu de Richard Attias. On évoque sa « remplaçante » auprès de Nicolas, journaliste au Figaro, mais on hésite à écrire qu’elle s’appelle Anne Fulda. Et pourtant, tout le monde sait. Hypocrisie ou ultime survivance de « l’exception française » ?
De Paris à Kinshasa, en passant par Bruxelles, Genève ou New York, tout le monde a suivi de près, comme en 2005, la saga Sarkozy. Le très fantasque « Guide » libyen Mouammar Kadhafi s’est même senti l’âme d’un médiateur : « Je regrette cette séparation soudaine de mes deux amis. La vitesse à laquelle elle s’est déroulée ne nous a même pas laissé le temps de les réconcilier. » Cette chronique d’une rupture annoncée – qui n’a pas remarqué le geste de défiance de Cécilia, quand le chef de l’État a tenté de lui caresser la joue lors de son intronisation ? – s’achève enfin. Nicolas rêvait de s’installer en famille à l’Élysée. Cécilia, elle, a préféré prendre le large. Indiscutablement, cette affaire est un coup dur pour le chef de l’État, l’homme à qui tout réussissait depuis 2002. Celle que l’on présentait souvent comme le moteur de son ambition ne sera plus à ses côtés. Ce n’est certainement pas là le type de rupture, maître mot de sa campagne présidentielle, auquel Sarkozy rêvait

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