Capitale en transition

Kigali, qui célèbre son centenaire, efface peu à peu les traces d’urbanisation anarchique pour se transformer en une agglomération moderne.

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 5 minutes.

Kigali est une vieille dame centenaire. Mais une vieille dame bien décidée à gommer les traces du passé. Capitale du Rwanda depuis seulement 1962, la ville se débarrasse peu à peu de son image d’agglomération anarchique pour se muer en une entité moderne. Avec 730 km2 de superficie et 900 000 habitants, elle affiche une densité de population de 1 230 habitants au km2. Et concentre, depuis quelques années, la presque totalité des activités économiques du pays, en dehors de l’agriculture.

Dès le petit aéroport international, situé à une dizaine de kilomètres du centre-ville, règne un certain sens de l’ordre. Pas de brutalité gratuite ni de tracasseries de la part des agents de l’immigration. Point de fâcheux toujours prompts à proposer leurs services autour du tapis roulant. Dans ce calme ambiant, une jeune fille, assise devant une table, attend que les voyageurs achètent des sacs biodégradables. Ici, les contenants en plastique sont bannis au nom de la protection de l’environnement. Une fois les bagages retirés, les visiteurs se dirigent vers la sortie où attendent des taxis sagement stationnés. Tout au long du parcours qui mène jusqu’au centre-ville, le paysage offre un spectacle de verdure… Mais pas seulement.
Une autre réalité saute aux yeux : le nombre des chantiers en cours. Signe révélateur, la cimenterie Cimerwa tourne à pleine capacité. Sur un grand panneau planté le long de l’une des principales voies de la ville, ce message publicitaire : « Procurez-vous un toit avec un apport de 30 %. » Aussi loin que porte le regard, des maisons de standing et des villas cossues apparaissent sur les différentes collines qui cernent la ville. L’habitat urbain, pas encore totalement maîtrisé, constitue l’un des plus gros problèmes auxquels les autorités municipales sont aujourd’hui confrontées. Construite de manière anarchique, Kigali s’attelle désormais à corriger les erreurs du passé. Et à évoluer dans le cadre d’une nouvelle planification plus rigoureuse. Pour y arriver, indique Jeanne Gakuba, maire adjointe chargée des questions sociales, « notre souci reste la mise en place d’équipements dont nos administrés ont besoin et la prise en compte de la protection de l’environnement, notamment en matière de traitement des déchets ».
Afin que Kigali ne devienne pas une ville à deux vitesses, dont le confort serait réservé aux seuls nantis, la municipalité s’attache à trouver un équilibre entre la volonté des promoteurs immobiliers de construire des logements destinés aux riches et une politique menée en faveur de la mixité sociale. Avec des partenaires comme la Banque de l’habitat et la Caisse sociale du Rwanda, la mairie réaménage les nombreuses zones insalubres. Déloger pour reloger. En tenant compte, toutefois, de la valeur de l’ancien bien. L’objectif est de permettre aux gens de vivre dans de nouveaux quartiers dotés de toutes les infrastructures sociales. Grâce au Plan d’infrastructures et de gestion urbaine (Pigu, d’un montant de 27,5 millions de dollars financé par la Banque mondiale), certaines maisons seront détruites afin de permettre le traçage de nouvelles voies, l’aménagement d’espaces verts et l’installation de canalisations, de bornes-fontaines et de poteaux électriques. En matière d’architecture, la municipalité privilégie les immeubles de taille moyenne, à visage humain. Histoire que la première ville du pays ne perde pas son caractère de « capitale provinciale » d’où elle tire tout son charme. D’autres mesures ont été prises dans ce sens. Dorénavant, les constructeurs de nouveaux grands immeubles devront y installer un système d’évacuation des eaux usées. Les grandes institutions installées dans la ville ont jusqu’à la fin de l’année pour se conformer à cette directive. Et devront privilégier les machines utilisant de grandes quantités d’eau récupérables pour d’autres besoins. Dans les nouveaux quartiers, des systèmes de captage des eaux de pluie notamment sont prévus.

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L’eau reste l’un des problèmes majeurs à Kigali. Elle coûte cher, elle n’est pas disponible partout ni accessible à tout le monde. Les plus démunis sont obligés de se constituer des provisions, renouvelées en fonction de la taille des familles, alors que les quartiers riches sont équipés en citernes. Le bidon de 33 litres d’eau coûte 50 francs rwandais. Il n’est pas rare, pendant la saison sèche, de voir de longues files de Kigalois allant chercher le précieux liquide. Pour l’heure, la seule réponse à apporter au déficit d’eau, évalué à 40 000 m3 par jour, reste la mise en route prochaine d’un ouvrage sur la rivière Nyabarongo. En attendant, la mairie continue de sensibiliser les administrés sur la nécessité de faire bouillir l’eau avant de la consommer ou de se procurer, pour 200 francs rwandais, un stérilisateur.
Outre les défis de l’amélioration de l’habitat, de l’assainissement et de la protection de l’environnement, de l’urbanisation et de la généralisation de l’adduction d’eau, Kigali se bat sur d’autres fronts. Les 3 000 ou 4 000 enfants de la rue, dont de nombreux orphelins du génocide de 1994, restent une source de préoccupation pour la municipalité. Une centaine d’entre eux a déjà été placée dans des centres d’encadrement adaptés. Mais il est difficile de les y maintenir. Plus inquiétant encore, le nombre de viols commis sur des jeunes âgés de 5 à 15 ans ne cesse de croître. La municipalité, qui entend bien s’attaquer aux causes profondes du fléau, propose de scolariser gratuitement les enfants des personnes – surtout les filles-mères – en grande difficulté. Parallèlement, une importante campagne de sensibilisation a été menée afin de convaincre les parents de considérer tout enfant de la rue comme un des leurs. Résultat, dans certains quartiers, des familles s’organisent pour prendre en charge et suivre les jeunes à problèmes.
Malgré les défis de la modernisation, malgré le chômage qui touche une bonne frange de sa population, Kigali montre un visage plutôt souriant. Dans la capitale rwandaise, tout le monde croit que la volonté politique peut déplacer les montagnes. Et que les paris peuvent être gagnés. Les Kigalois ont déjà intégré les comportements qu’implique l’ordre nouveau : propreté, respect de l’environnement et des règles de la circulation Sur ce dernier point, la création de passages réservés aux piétons et le port du casque par les motocyclistes ont, dit-on, contribué à la réduction du nombre des accidents de la route. Autre bataille gagnée, celle de la sécurité. Raison pour laquelle de plus en plus de réunions et de conférences internationales sont organisées dans la ville. Pour le grand bonheur des restaurateurs et des hôteliers

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