Axel Kahn

Médecin généticien français

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

« L’amendement Mariani est immoral. D’abord parce qu’il applique aux familles étrangères des critères biologiques que le peuple français s’interdit d’utiliser pour lui-même. Mais aussi parce qu’il représente un pas de plus vers le phénomène inquiétant de biologisation de la société humaine et de réduction de la complexité de l’homme à sa seule condition génétique. Or la famille a une définition affective, juridique et sociale. Un homme et une femme liés juridiquement par un contrat de mariage, un pacte civil de solidarité (Pacs), ou qui peuvent arguer d’une vie commune prolongée et qui prennent soin d’un ou plusieurs enfants qu’ils regardent comme les leurs, constituent aussi une famille. La loi française interdit de remettre en cause ce lien familial sur la base de tests génétiques.
La version de l’amendement votée par le Sénat est présentée comme un allègement du texte passé en première lecture à l’Assemblée. Mais en prévoyant de limiter les tests ADN au lignage maternel, elle envoie aux femmes africaines un message qui fait froid dans le dos. Alors que, sur le continent, beaucoup adoptent la progéniture d’un proche décédé ou des enfants qui ont survécu à des massacres et des famines, elle leur dit : Si vous voulez un jour rejoindre votre époux en France, ne vous laissez pas aller à ce geste d’humanité, abandonnez ces petites victimes à leur sort
En réalité, la vraie question est de savoir si limiter le regroupement familial impliquant des enfants est la mesure adéquate pour réduire l’immigration en France. Je ne le pense pas. Les familles regroupées dans notre pays ne comptent, en moyenne, que deux ou trois enfants. Il ne s’agit, en aucun cas, de familles très nombreuses, si bien que 8 000 à 12 000 personnes seulement sont concernées, chaque année, par cette procédure. Conclusion : par rapport à l’immigration clandestine, ce flux migratoire reste très minoritaire.
Enfin, le cas du Royaume-Uni, pays européen qui utilise le plus les tests génétiques en matière d’immigration, prouve que la mesure est inefficace, car ce pays est bien loin d’avoir résolu la question de l’immigration sur son territoire. A fortiori, le fait qu’il y ait recours ne doit pas servir d’argument pour justifier l’introduction des tests ADN dans l’Hexagone. La majorité des pays européens n’ont-ils pas appliqué, pendant des décennies, des lois eugéniques promulguées dans les années 1920-30, alors que ce n’était pas le cas de la France ? Aujourd’hui, aux yeux de l’Histoire, qui avait raison ? »

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