ADN : à quoi joue Sarkozy

L’introduction de tests ADN dans la loi sur l’immigration a déclenché une violente polémique. Quatre intellectuels nous aident à comprendre pourquoi le recours à la génétique est moralement inacceptable.

Publié le 22 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

En France, comme partout ailleurs, l’étranger est un enjeu majeur de politique intérieure. Rappeler cette évidence n’est pas inutile pour comprendre l’acharnement mis par le président Nicolas Sarkozy et son Premier ministre François Fillon à faire admettre, au sein du dernier projet de loi sur l’immigration, l’inclusion d’un amendement aussi douteux que celui du test ADN pour les candidats au regroupement familial. Désormais soumis à l’approbation du Conseil constitutionnel, ce dispositif éminemment controversé a été introduit par un personnage quelque peu sulfureux, Thierry Mariani, ex-compagnon de voyage (ou plutôt de pantalonnade) du non moins spécieux Didier Julia en Irak, qui avoue lui-même « faire une grosse connerie tous les cinq ans » et dont l’environnement politique fournit la clé de ce qui précède. Mariani, en effet, est député du Vaucluse, dans ce Sud-Est où l’UMP, dont il est membre, et le Front national se disputent le même vivier électoral et occupent souvent les mêmes créneaux : xénophobie, homophobie, peur de l’immigré, surtout lorsqu’il est né outre-Méditerranée. Venant de cet homme qui n’hésite pas à déclarer sans sourciller (et sans aucune preuve) que « dans certains pays africains et asiatiques, l’état civil est composé de 30 % à 80 % de faux documents », le recours à la biologie pour protéger ses électeurs des étrangers n’a rien de surprenant. Il n’en va pas de même lorsque ce type de calcul est partagé au plus haut niveau de l’État.
Thierry Mariani, celui par qui le scandale est arrivé, n’est pas, il faut le reconnaître, un intime de Nicolas Sarkozy, lequel n’a jamais songé, en dépit des appels du pied de l’intéressé, à en faire un membre de son gouvernement. Pourtant, quitte à ignorer le malaise d’un Bernard Kouchner, d’une Fadela Amara, d’un Henri Guaino, voire d’une Rama Yade, d’un Basile Boli ou d’un Enrico Macias, tous priés d’avaler la couleuvre, quitte aussi à juger « ridicules » (le mot est de François Fillon) les préventions d’un Édouard Balladur, d’un Jean-Pierre Raffarin, d’un Dominique de Villepin et même d’un certain Charles Pasqua (c’est dire), le président et son Premier ministre ont pesé de tout leur poids pour que l’obsession du député Mariani ait force de loi. La raison en est simple. Nicolas Sarkozy sait d’où il tient son élection. Il sait d’où proviennent les 31 % du premier tour qui lui ont ouvert les portes de l’Élysée. Il n’ignore pas que cet électorat populaire, tous les sondages le démontrent, appuie toute velléité de durcissement du dispositif anti-immigration. Or ces électeurs arrachés de haute lutte à Jean-Marie Le Pen commencent à douter, déçus, désappointés, désorientés par une politique d’ouverture à destination d’une « deuxième gauche » libérale et bourgeoise, qu’ils ne comprennent pas. Les municipales approchent. Les élus de la majorité s’inquiètent. Quoi de mieux qu’une bonne controverse sur l’immigration pour remobiliser ceux qui n’ont pas oublié les promesses de campagne du candidat Sarkozy ?
Cela peut paraître cynique, mais la politique est ainsi faite. Restait l’argument moral, celui qui assimile le recours aux tests ADN à une régression conceptuelle à laquelle le droit, la culture et l’histoire de la France se sont toujours refusés. Restait aussi l’article 10 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant que la France fut la première à ratifier il y a dix-sept ans et qui stipule que toute demande de regroupement familial doit être considérée « dans un esprit positif, avec humanité et diligence ». Poussières, broutilles, fantasmes que tout cela. D’abord, parce que nul n’ignore, depuis un retentissant entretien publié en avril 2007 par Philosophie Magazine, que Nicolas Sarkozy n’a rien contre le déterminisme génétique au point de croire que la criminalité relève de l’inné. Ensuite, parce que ce type d’arguments pèse peu par rapport au véritable but de toutes les lois sur l’immigration adoptées ces dernières années. Il s’agit en vérité de lois contre l’immigration, destinées à en tarir le flot.
On attend désormais avec intérêt la liste précise de la vingtaine de pays, en majorité africains, désignés par le ministre Brice Hortefeux comme producteurs de faux papiers, où les candidats au regroupement familial qui refuseraient de se soumettre au test ADN en principe « facultatif » n’auront en réalité aucune chance d’obtenir un visa. Et l’on attend aussi, avec autant d’intérêt, mais hélas sans trop d’illusions, la réaction de dignité que ne manqueront pas d’avoir les gouvernements de ces « États fraudeurs »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires