Stéphane Amidou Doukouré, dit Douk Saga

Le musicien ivoirien est décédé, le 12 octobre, à l’âge de 32 ans.

Publié le 24 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Douk Saga, de son vrai nom Stéphane Doukouré, aurait pu prendre pour devise : le boucan ou la mort. Le boucan, dans l’argot populaire d’Abidjan, c’est faire avant tout parler de soi, même pour ne rien dire. « Si tu ne manges pas la vie, c’est la vie qui te mange », ne cessait-il de répéter. Fin du bruit et de la fureur pour Douk Saga, ce 12 octobre. Celui qui se mettait perpétuellement en scène s’est éteint, à l’âge de 32 ans, dans un hôpital de Ouagadougou, victime d’une « pathologie pulmonaire chronique », après avoir suivi une série de soins intensifs en Suisse puis en Côte d’Ivoire. Saura-t-on, un jour, le fin mot de son existence ? Sa mère était-elle aide-ménagère à Treichville ou était-elle décédée depuis longtemps ? Son père vivait-il réellement aux États-Unis ? Est-il né à Yamoussoukro ou ailleurs ? Était-il informaticien, avant de devenir célèbre ? Autant de zones d’ombre qu’il entretenait à loisir. Il fallait bien noyer l’être dans le paraître

Et le paraître, il va le cultiver, à partir de 2001, à Paris. C’est dans les clubs afro de la capitale française, à la tête d’une bande de jeunes Ivoiriens, qui va bientôt se baptiser la Jet-Set, que Stéphane mitonne le coupé-décalé. Mélange explosif de zouglou, de rap et de ndombolo. Mais aussi une danse et une attitude : le « farotage », la frime, qui s’appuie sur un style vestimentaire (fringues griffées, près du corps, lunettes noires, champagne comme boisson de base) et les femmes. Ne restait plus qu’à attendre l’ouverture vers la gloire. Elle viendra en 2003, avec un premier single, Affaire de sagacité, où, au lieu de chanter, il éructe de sa voix éraillée. Le tube va susciter une déferlante sur tout le continent africain. Un album, Héros national Bouche bée, suivra en 2005, véritable manifeste de ce « brûleur de vie ».

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Sa notoriété établie, Douk rentre à Abidjan en 2003. Ses nuits arrosées et fastueuses, ses liaisons amoureuses réelles ou supposées, ses concerts insensés où il jette à la foule des liasses de billets alimentent les colonnes des journaux. Provocateur, il réclamera même au président Laurent Gbagbo une décoration pour « avoir redonné espoir et joie aux Ivoiriens » ! Car la population rit de ses frasques et de ses rodomontades (« Je suis le sommet de l’Himalaya ! » clame-t-il). Comme si une nation, prise de vertige, au bord du gouffre politique, ne pouvait que se reconnaître dans le nihilisme désespéré d’une bande de fêtards. Oui mais voilà, Douk Saga aura fondé le coupé-décalé, ce courant musical qui allait, pour la première fois en quarante ans, mettre à mal la domination des sons congolais sur l’Afrique francophone. Ce faisant, il aura également donné ses lettres de noblesse à la scène ivoirienne, jusqu’ici plus ou moins négligée par les mélomanes. Pas mal comme boucan !

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