Tunisie : une campagne de la société civile s’inquiète de l’aptitude du président Essebsi à diriger le pays

Le président Béji Caïd Essebsi a quitté lundi soir l’hôpital militaire de Tunis, où il avait été admis en milieu de semaine dernière à la suite d’un « grave malaise ». À quelques jours de l’expiration de l’état d’urgence et de la date butoir pour la convocation du corps électoral, la société civile s’interroge sur la capacité du président à signer à temps ces décrets.

Le président tunisien Beji Caïd Essebsi. © Pablo Martinez Monsivais/AP/SIPA

Le président tunisien Beji Caïd Essebsi. © Pablo Martinez Monsivais/AP/SIPA

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Publié le 2 juillet 2019 Lecture : 4 minutes.

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi, décédé jeudi 25 juillet 2019 à Tunis. © Facebook.com/Presidence.tn
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Béji Caïd Essebsi, un destin tunisien

Le président Béji Caïd Essebsi est décédé jeudi 25 juillet 2019 à l’hôpital militaire de Tunis, à l’âge de 92 ans. Premier chef de l’État tunisien à mourir en exercice, mais aussi premier président démocratiquement élu après la révolution de 2011, il n’a pu achever un mandat « progressiste » au bilan contesté, plongeant le pays dans l’incertitude avec une probable perturbation du calendrier électoral de l’automne.

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Après quatre jours d’hospitalisation, pendant lesquels les rumeurs les plus folles n’ont pas manqué de courir, Béji Caïd Essebsi a quitté lundi soir l’hôpital militaire de Tunis. Les photos de sa sortie ont fait le tour de la toile, déclenchant des commentaires tantôt de soulagement, tantôt de sarcasme, voire de scepticisme.

Se réjouissant de l’amélioration de l’état de santé du président, beaucoup de Tunisiens s’interrogent désormais sur sa capacité à remplir ses fonctions. Cette semaine, deux décisions, concernant la prorogation de l’état d’urgence et la convocation des électeurs pour les législatives du 6 octobre, exigent la promulgation de décrets présidentiels. Partagée sur les réseaux sociaux sous le hashtag #من_حقنا_نعرفو (« c’est mon droit de savoir »), une pétition réclame la publication du dossier médical du chef de l’État, afin d’être situé quant à son aptitude à présider.

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Vers un report des élections ?

La convocation du corps électoral doit se faire avant samedi 6 juillet, soit trois mois en amont du scrutin législatif. « Les élections seront reportées d’office si le président ne promulgue pas ce décret d’ici le 6 juillet », confirme à Jeune Afrique Mouheb Garoui, ancien président exécutif de l’ONG « I watch ».

Saïda Garrach, la porte-parole de la présidence, a assuré lundi dans les colonnes du quotidien national Al Cheraa al Magharibi que Béji Caïd Essebsi s’acquittera de cette mission. « Nous avons encore jusqu’au 5 juillet. D’ici là, le président ira mieux », a-t-elle déclaré.

Si l’IPCCPL valide le recours, le président devra également promulguer le Code électoral amendé, ou bien décider de l’envoyer à l’Assemblée pour une deuxième lecture

La prolongation de l’état d’urgence inquiète également, surtout après la double attaque qui a frappé la capitale jeudi dernier. « Si jamais le président ne proroge pas l’état d’urgence, qui prend fin vendredi 5 juillet, les militaires qui patrouillent dans les rues devront regagner les casernes », renchérit Mouheb Garoui.

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Par ailleurs, si l’Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) valide le recours déposé le 25 juin dernier par 51 députés, le président devra également promulguer le Code électoral amendé, ou bien décider de l’envoyer à l’Assemblée pour une deuxième lecture – auquel cas c’est le précédent Code qui s’appliquera si les élections sont maintenues pour l’automne, sauf si l’Instance électorale (Isie) décide que le texte amendé s’applique seulement à compter du 22 juillet, date limite du dépôt des candidatures.

« Droit des Tunisiens à l’information »

Initiée par Chaima Bouhlel, ex-présidente de l’ONG de contrôle du travail parlementaire Al Bawsala, la pétition qui circule depuis dimanche sur les réseaux sociaux met en garde contre la désinformation et la circulation des intox, exigeant la divulgation de « la vérité » étayée par un avis médical.

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« Ayant pour souci de protéger nos institutions, surtout alors que les prochaines échéances approchent, [..] nous exigeons que vous nous teniez informés de l’état de santé du président, et de la répercussion sur ses aptitudes à présider et à assurer ses fonctions, sur la base de documents médicaux, sans porter atteinte au secret médical ni au président de la République, mais simplement en respectant le droit des citoyens tunisiens à l’information », expose la pétition.

« Amateurisme communicationnel »

Selon Bader Ben Mansour, universitaire et spécialiste en communication politique, le manque de confiance que ressent le peuple ne concerne pas seulement la présidence de la République, mais la « chose publique » en général.

« C’est toute la classe politique qui n’est plus crédible aujourd’hui pour une grande partie des citoyens, aussi bien ceux qui sont impliqués politiquement que ceux qui ne s’intéressent pas ou plus à la politique », déclare-t-il à Jeune Afrique – c’est ce qui explique pour lui la percée dans les sondages notamment de Nabil Karoui et du mouvement 3ich tounsi. Selon ce professionnel, la Tunisie est confrontée depuis 2011 à un « amateurisme communicationnel remarquable », aussi bien partisan, institutionnel que gouvernemental.

« Je crois que la cellule de communication de la présidence de la République ne s’attendait pas à cette crise. Or, cette dernière pouvait manifestement être anticipée, vu l’âge avancé [92 ans] de notre président », estime-t-il. Après la première hospitalisation de Béji Caïd Essebsi vendredi 21 juin pour un « léger malaise », Carthage n’avait par exemple pas diffusé de communiqué officiel, laissant notamment la famille, Saïda Garrach et Firas Guefrech, conseiller principal de la présidence chargé des médias, multiplier les démentis informels.

Pour Bader Ben Mansour, il est impératif de se préparer pour faire face à ce genre de situations de manière rapide et transparente. « C’est une condition sine qua non pour avoir confiance en nos institutions, en notre Constitution, et ne plus être hanté par un éventuel coup d’État », conclut-il.

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