Cameroun : Yaoundé dénonce l’attitude « hostile et belliqueuse » des manifestants en Suisse
Le porte-parole du gouvernement camerounais a condamné le mouvement de protestation organisé samedi à Genève par les opposants de Paul Biya. Les manifestants avaient été violemment réprimés par la police locale.
La tension ne semble pas être retombée à Genève. Les manifestants opposés au président Paul Biya – réunis au sein d’une organisation dénommée Brigade anti-sardinards (BAS) – ont annoncé le 29 juin qu’ils poursuivront leurs manifestations si le président « ne quitte pas la Suisse pour retourner au Cameroun ». Un ultimatum de quatre jours lui a d’ailleurs été donné pour s’exécuter. Du côté des pro-Biya, même ferme intention de ne rien laisser passer. Ceux-ci se dresseront devant tous ceux qui voudront perturber le séjour de Paul Biya, ont-ils annoncé, sans que le président n’ait précisé sa date de retour au Cameroun après ce voyage privé.
Samedi, pourtant, le gouvernement avait tenté de mettre en garde les manifestants. « Le gouvernement exprime sa réprobation totale face à ce spectacle ubuesque qui déshonore le Cameroun », avait déclaré le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, dans un communiqué rendu public samedi. Cette déclaration intervenait quelques heures après que le calme soit revenu à Genève, où des affrontements avaient eu lieu plus tôt dans la journée entre les forces de sécurité locales et les manifestants pro et anti-Biya.
Manifestation réprimée
Selon les médias suisses, la police genevoise a dû user de gaz lacrymogènes pour empêcher que les manifestants anti-Biya ne rejoignent l’hôtel Intercontinental de la ville, où logerait le président Paul Biya depuis le 23 juin. « Ce dictateur a pris ses habitudes à l’hôtel Intercontinental, où il dilapide des milliards de nos francs, alors que le pays est économiquement malade. On ne peut pas l’accepter », a déclaré à l’AFP Robert Wanto, responsable du Conseil des Camerounais de la diaspora.
Des heurts ont également été enregistrés entre les pro et les anti-Biya, leurs deux manifestations ayant reçu l’aval des autorités suisses. Un affrontement quasi prévisible, tant les tensions avaient été amplifiées sur les réseaux sociaux par les partisans des deux camps à l’approche de ces mouvements. Il aura finalement fallu l’intervention vigoureuse de la police pour calmer les belligérants, une dispersion violente toutefois absente du communiqué gouvernemental.
Un « ensauvagement » ?
« Pourquoi toute cette violence, quel en est le bien fondé ? », s’interroge le ministre René Sadi dans son communiqué. La réponse, elle, divise l’opinion camerounaise. De l’avis des analystes proches du pouvoir, il ne s’agit ni plus ni moins d’un « ensauvagement regrettable ». « Faire de la politique ne devrait pas signifier aller se bagarrer dans les halls d’hôtels au prétexte que le dirigeant de votre pays y réside. Cet acte discrédite le combat et celui-ci s’exclu du champ d’honneur de la politique », a ainsi affirmé Célestin Bedzigui, président du PAL, un parti allié au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir.
Dans une chronique publiée ce dimanche 30 juin sur la toile, l’analyste politique Wilfried Ekanga estime que les motivations de la BAS sont bien connus. « C’est parce qu’on les empêche de manifester chez eux que des gens se retrouvent à le faire chez les autres (…) Il n’y a rien de plus fou que de répondre par la violence à des personnes non violentes. Ça entraîne cette forme de radicalisation telle qu’observée chez les ‘Ambazoniens’, et qui se répand sans cesse puisque la répression ne faiblit pas », a-t-il indiqué.
Opposants incarcérés
Depuis le début de l’année, les manifestations publiques des partis d’opposition ont systématiquement été interdites par les autorités camerounaises. Fin janvier, le leader de l’opposition Maurice Kamto, challenger de Paul Biya à la présidentielle, a été arrêté avec ses alliés politiques, à la suite d’un mouvement de protestation organisée par son parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), à travers le territoire national.
À ce jour, plusieurs centaines de militants de cette formation politique sont toujours détenus pour les mêmes motifs.
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