Privé de dessert !
Publié le 24 octobre 2006 Lecture : 1 minute.
Que le récent essai nucléaire nord-coréen, même s’il évoque davantage un pétard mouillé qu’un nouvel Hiroshima, inquiète les États-Unis, admettons. Que le Conseil de sécurité des Nations unies ait, à l’instigation de ces derniers, interdit la vente ou le transfert de tout matériel susceptible d’aider le dernier État stalinien de la planète à fabriquer des missiles et des armes de destruction massive, on le comprendrait mieux si cette sévérité s’étendait à tous les pays – suivez mon regard – qui se soucient comme d’une guigne du traité de non-prolifération nucléaire. En revanche, la décision de ce même Conseil de priver le mégalomane de Pyongyang des « produits de luxe » si nécessaires à son équilibre mental laisse perplexe.
Kim Jong-il aime le homard, le caviar et la soupe aux ailerons de requin. Il écluse chaque année quelques hectolitres de cognac importé de France à grands frais (650 000 dollars, dit-on) et stocke amoureusement dans sa cave dix mille bouteilles des meilleurs crus. Au moment où sa politique économique ubuesque est sur le point de provoquer une nouvelle famine – la deuxième en dix ans -, ces excès gastronomiques sont sans doute condamnables. Moralement, mais politiquement ? À quoi bon lui interdire d’acheter du porc danois ou des mangues thaïlandaises ? Imagine-t-on que le priver de dessert l’incitera à renoncer à sa quincaillerie nucléaire ?
C’est le réflexe pavlovien classique des conservateurs américains. Chaque fois qu’ils se trouvent momentanément empêchés d’exercer leur hyperpuissance, ils s’énervent et leur vieux fond puritain refait surface. On se souvient que, lors de la querelle avec la France à propos de la guerre en Irak, une poignée d’abrutis affectèrent de vider dans le caniveau, devant les caméras de télévision, quelques bouteilles de saint-émilion. On croit entendre ces austères patriotes : « Quoi ! Non contents de défier la grande Amérique, ces salauds voudraient en plus jouir des plaisirs de la vie ? »
