300 millions d’Américains

Religiosité, optimisme, égalité des sexes, immigration Autant de facteurs qui expliquent la vitalité démographique des États-Unis.

Publié le 24 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Est-il né dans un hôpital public de New York, dans une clinique huppée de San Francisco ? ?A-t-il débarqué d’Europe à l’aéroport de Chicago, ou a-t-il pénétré sur le territoire des États-Unis par la frontière mexicaine ? On ne connaît ni l’identité ni l’origine du trois cent millionième Américain, puisque c’est en combinant les données relatives aux naissances, aux décès et aux mouvements migratoires que le Census Bureau (Bureau du recensement) l’a fait apparaître dans ses statistiques à la date du 17 octobre.
Toujours est-il que ce chiffre symbolique vient rappeler la vitalité démographique du pays de l’Oncle Sam, une exception dans le monde développé. Avec un indice de 2,1 enfants par femme, suffisant pour assurer le renouvellement des générations, les États-Unis affichent une fécondité autrement plus flatteuse que celle de l’Europe des Vingt-Cinq (1,46), du Japon (1,33) et de la Russie (1,32). L’Italie et l’Espagne sont même tombées à 1,28. Seule des grandes puissances industrialisées à soutenir la comparaison, la France peut se flatter d’un taux légèrement supérieur à 1,9.
Entre 2000 et 2005, dix-sept pays développés, pour une bonne part situés en Europe de l’Est, se sont dépeuplés. Ils devraient être une cinquantaine en 2050. Au rang des pays touchés par le phénomène figureront l’Allemagne, le Japon, l’Italie, la plupart des États issus de l’ex-Union soviétique. Pendant ce temps, la population des États-Unis continuera de croître. Les Américains étaient 100 millions en 1915. Il a fallu attendre cinquante-deux ans pour qu’ils passent à 200 millions, en 1967. Trente-neuf ans plus tard, ils sont donc 300 millions, et l’on prévoit que les 400 millions seront atteints dans trente-sept ans, c’est-à-dire en 2043.
Pourquoi les Américains sont-ils plus prolifiques que les Allemands ou les Russes ? Certains commentateurs mettent en avant leur religiosité (75 % d’entre eux se déclarent croyants) et leur optimisme à toute épreuve. Si l’on a confiance en l’avenir, on est plus enclin, semble-t-il, à mettre au monde des enfants. Une plus grande égalité des sexes est également un facteur favorable. Comme on a pu le relever au Japon, dans les sociétés restées patriarcales, les femmes, ne pouvant guère compter sur leurs conjoints pour les tâches domestiques, rechignent à faire des enfants.
La dimension spatiale joue beaucoup aussi. Les logements américains sont à l’échelle de l’étendue du territoire (9,64 millions de km2) : il est plus facile dans ces conditions d’avoir une grande famille. Sans oublier qu’on peut aussi se déplacer dans une région où l’immobilier est moins cher. Aux États-Unis, contrairement à l’Europe, par exemple, les migrations interrégionales sont très fortes.
La natalité, bien que soutenue (14 pour 1 000 en 2005), n’explique cependant pas à elle seule la vitalité démographique américaine. La mortalité étant supérieure à 8 pour 1 000, le croît naturel est de moins de 6 pour 1 000. Comme le taux de croissance total est d’environ 9,5 pour 1 000, l’immigration intervient pour environ un tiers (3,5 pour 1 000). Les États-Unis continuent en effet à être, et de loin, le premier foyer d’immigration du monde. En 2005, ils comptaient officiellement 36 millions d’habitants nés à l’étranger, soit 12,4 % de la population totale. Quant au nombre de clandestins, il est estimé à plus de 10 millions.
Ces flux migratoires ont considérablement modifié la composition ethnique du pays. En 2003, les Hispaniques, qui constituent le gros des nouveaux immigrants, ont dépassé les Africains-Américains. Sur les 296,4 millions d’habitants dénombrés en juillet 2005, on comptait 42,7 millions d’Hispaniques, 39,7 millions de Noirs (Africains-Américains, Africains fraîchement arrivés et Noirs d’origine antillaise), 14,4 millions de personnes d’origine asiatique, 4,5 millions d’Amérindiens (y compris les indigènes de l’Alaska) et près de 1 million d’indigènes d’Hawaï et des îles du Pacifique. Ainsi les « Wasp » (White Anglo-Saxon Protestants), les premiers immigrants, restent largement majoritaires, mais leur part relative diminue rapidement.
Si la nouvelle de la naissance – toute virtuelle – du trois cent millionième Américain est réjouissante à une époque où, sur le plan démographique, la principale inquiétude porte sur le vieillissement, elle est moins satisfaisante pour les ressources naturelles de la Terre. Totalisant 5 % de la population du monde, les États-Unis en consomment 23 % de l’énergie, 15 % de la viande, ou encore 28 % du papier. Ils produisent également cinq fois plus de dioxyde de carbone que la moyenne mondiale. On n’ose imaginer ce qu’il en coûtera à l’équilibre écologique de la planète quand les Chinois, au rythme actuel de croissance de leur économie (8 % l’an), auront atteint le niveau de vie des Américains. Cela pourrait être en 2031 ; ils seront alors 1,45 milliard

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