L’envers du décor

Publié le 24 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

C’est l’une des photos les plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale. Elle montre six marines plantant l’Union Jack au sommet d’une montagne lors de la prise de l’île d’Iwo Jima dans le Pacifique. Le film raconte les préparatifs, le déroulement et les suites de l’assaut terriblement meurtrier des troupes américaines pour s’emparer de ce bastion farouchement défendu par ?15 000 Japonais décidés à résister jusqu’à la mort pour barrer la route de l’archipel nippon.
Mémoires de nos pères, on l’a compris, est un vrai film de guerre. Les scènes de combat, spectaculaires, n’épargnent rien au spectateur : du bruit, de la fureur, des morts atroces et, pour les survivants, d’horribles blessures. Mais c’est aussi un film de guerre bien particulier, qui nous fait pénétrer dans les coulisses du conflit. Avant le débarquement, quand on est invité à suivre la vie quotidienne des soldats et de leur commandant, furieux de devoir envoyer au casse-pipe des milliers de jeunes conscrits alors même que la bataille n’a pas été suffisamment préparée. Mais aussi et surtout, ce qui n’est pas courant, après.
Clint Eastwood, en effet, a donné la priorité à cet après. Il a focalisé toute son attention sur un film dans le film, celui qui nous raconte comment, vu l’impact immédiat sur la population américaine de la photo « héroïque » et « victorieuse » d’Iwo Jima, on a décidé à Washington de rapatrier d’urgence trois de ces marines pour les utiliser dans une campagne de marketing destinée à vendre des bons pour financer la guerre. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes aux soldats ainsi séparés de leurs camarades de combat et transformés « de force » en commis voyageurs au service de l’état-major. D’autant que la fameuse photo est doublement problématique sinon truquée à la fois au niveau de sa signification et de sa réalisation. Elle ne saurait représenter la victoire puisqu’elle date du cinquième jour d’un assaut qui a duré trois semaines et a d’ailleurs provoqué la mort de trois des six marines présents sur le cliché. Et surtout, elle n’a pas été prise dans le feu de l’action, loin de là : elle a été posée, après avoir été mise en scène, plusieurs heures après la fin de l’épisode guerrier qu’elle est censée célébrer.
Ce retour sur l’envers du décor, qui fait tout le prix de cet excellent film, n’est pourtant que le prélude à un autre film que s’apprête à nous livrer Clint Eastwood. Il a en effet tourné deux longs-métrages simultanément sur la même histoire. Dans trois mois, on pourra donc assister, en allant voir Lettres d’Iwo Jima, au récit de ce même assaut vu de l’autre côté, par les Japonais. En regrettant peut-être que les deux films ne soient pas sortis en même temps, on attendra impatiemment cette « suite » qui viendra certainement montrer que, pour un photographe comme pour un cinéaste, tout est affaire de point de vue et de « montage ».

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