En attendant les vacanciers

Avec ses centaines de kilomètres de plages, le Grand Sud dispose d’indéniables atouts. Reste à les valoriser.

Publié le 24 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

Port de La Marsa, à 25 km de Laayoune. Sur le quai, à côté des camions frigorifiques, une montagne de sable blanc. « Ils n’ont pas de chance aux Canaries, s’amuse un employé de la halle aux poissons. Non seulement ils doivent agrandir leurs plages, mais en plus, le sable que nous leur vendons est ramené ici par le vent ! » Au siège de la municipalité de Laayoune, le député Ahmed Lakhrif renchérit : « Alors qu’ils construisent des plages artificielles, nous en avons une ici, vierge et naturelle, qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres »
À l’heure où les provinces du Sud veulent, après la pêche, faire du tourisme l’autre locomotive de leur développement, l’archipel espagnol est dans toutes les têtes. Et pour cause : à seulement 150 km de là, près de 12 millions de touristes, allemands pour les trois quarts, s’entassent, bon an mal an, sur les plages de Las Palmas, Lanzarote et Fuerteventura. Autant dire une manne, que les wilayas de Guelmim, Laayoune et Oued Eddahab-Lagouira regardent avec convoitise. De leur côté, la fréquentation touristique demeure, il est vrai, très limitée.
Pour autant, Ahmed Hajji, le directeur de l’Agence du Sud, entend bien pérenniser la ressource et n’est pas prêt à laisser faire n’importe quoi. « Il s’agit d’un espace naturel exceptionnel, écologiquement très sensible, explique-t-il.?Nous nous montrerons très prudents dans l’élaboration de la destination, en misant sur le développement d’activités socialement responsables et respectueuses de l’environnement. » Même si certains tour-opérateurs jugent « moyen » l’intérêt du désert marocain par rapport aux offres concurrentes, les provinces du Sud entendent donc bien faire valoir leurs atouts. Des projets de sauvegarde des palmeraies sont en cours, et la réintroduction d’espèces animales comme l’autruche ou le léopard sont évoqués. Mais surtout, la panoplie d’espaces très différents que propose le Grand Sud lui permet d’envisager une offre touristique variée et de jouer sur plusieurs tableaux. « Nous ne raisonnons pas encore en termes d’objectifs chiffrés, poursuit Ahmed Hajji. L’heure n’est pas au lancement d’une campagne de promotion. » Mais à l’examen du schéma de développement touristique de la zone.
Un cabinet d’études canadien a ainsi été sollicité pour faire une proposition. Réalisé en partenariat avec les collectivités locales et le ministère de tutelle, le document « doit permettre de trouver un consensus autour de la future offre saharienne, en éliminant toutes les fausses idées qui circulent à ce propos », explique le directeur de l’Agence du Sud. Le plan devrait préconiser un tourisme « doux », afin de protéger les écosystèmes. Il encouragerait l’allongement de la durée des séjours des visiteurs actuels plutôt qu’une arrivée massive de nouveaux estivants. Dans un second temps, une offre complémentaire, plus que concurrentielle, à celle des Canaries, via l’organisation de voyages combinés, n’est pas à exclure. Mais ce n’est pas pour demain
En effet, les obstacles à lever pour la mise en place d’une activité touristique significative sont nombreux. Les projets de Plage blanche et de Chbika (voir encadré), dont la construction devrait être lancée rapidement, viendront certes pallier en partie l’important déficit en infrastructures hôtelières de la zone, mais ce ne sera pas suffisant. ?Si Laayoune dispose aujourd’hui d’une capacité d’accueil d’un millier de lits grâce à la présence de dix hôtels classés, à Dakhla par exemple, où l’on mise sur la baie pour attirer les amateurs de surf, 240 lits répartis dans deux hôtels seulement sont disponibles. Quant à la wilaya de Guelmim, elle n’offre, en tout et pour tout, que 1 092 lits (hôtels, auberges, maisons d’hôtes, gîtes et villages de vacances réunis !) sur une superficie de 142 000 km2, soit 18 % du territoire marocain. Dans la perspective d’un tourisme écologique, la reconversion des demeures traditionnelles en un parc de maisons d’hôtes beaucoup plus dense est envisagée. Moulay el-Mahdi Lahbibi, le maire de Tata, souhaiterait par exemple en voir ouvrir une centaine dans les différents douars de sa province, afin d’y intensifier le tourisme oasien.
« L’autre obstacle majeur au développement touristique de la région concerne sa desserte, explique Aïcha el-Alaoui, la déléguée du tourisme à Dakhla. Les correspondances pour faire venir les étrangers restent problématiques. » Pour l’heure, les neuf provinces du Sud marocain sont reliées au reste du pays par trois aéroports : ceux de Tan-Tan, Laayoune et Dakhla. Un quatrième devrait être opérationnel début novembre, avec l’ouverture à l’aviation civile de la base aérienne de Guelmim. Trois liaisons par semaine seront assurées avec les villes d’Agadir, Casablanca et Tan-Tan par la compagnie Regional Air Lines. Une autre initiative, maritime celle-là, doit également contribuer au désenclavement de la zone, mais elle a pris du retard. Il s’agit de la mise en place d’une liaison par ferry entre Tarfaya et les Canaries.
Enfin, la question de la situation politique du Sahara occidental demeure. Tant qu’un contentieux persistera, la réputation de la zone en pâtira auprès des touristes et des investisseurs. Considérée comme un « faux problème » par les élus locaux, l’omniprésence d’un contingent de Casques bleus – grâce à eux, le taux d’occupation de l’hôtel Massira de Laayoune culmine à 92 % – donne pourtant à la région un statut de zone potentiellement instable. Donc peu propice aux vacances.

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