Coup de pub ou coup de cur ?

La star planétaire a obtenu de la Haute Cour de justice de Lilongwe l’autorisation d’adopter un jeune Malawite. Au mépris de toutes les procédures en vigueur.

Publié le 24 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

« Tricheuse », « magouilleuse » Les injures pleuvent comme des hallebardes sur le dos de Madonna. La provocante chanteuse, qui a enflammé les foules lors de sa récente tournée mondiale, est depuis quelques jours la cible des médias britanniques. Son crime ? Elle s’est servie de sa célébrité – et de sa fortune estimée à plus de 400 millions de dollars – pour adopter un tout jeune garçon originaire du Malawi, au mépris des lois de ce pays et de la convention onusienne sur la protection du droit des enfants. Adoptée en 1989 et entrée en vigueur l’année suivante, cette dernière a pour vocation de s’opposer à la traite des enfants. Et de dissuader certains pays du Sud où l’État n’est guère qu’une fiction de s’adonner à ce honteux trafic. Le Malawi est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique et du monde. Il compte entre 1 million et 1,5 million d’orphelins. À cause, essentiellement, du sida, qui touche 14 % de la population. L’espérance de vie n’y dépasse pas 40 ans.
David Banda, c’est le nom de l’enfant, a 13 mois. Orphelin de mère, il avait été placé dans un orphelinat, son père, un agriculteur sans le sou, étant dans l’incapacité de l’élever. Depuis que son chemin a croisé celui de l’une des stars les célèbres de la planète, sa destinée a basculé. Le 17 octobre, il a quitté son orphelinat pour les ors d’un hôtel particulier londonien.
Tout a commencé par une série de photos adressées, via Internet, par la direction de l’établissement à la chanteuse, quelques semaines avant sa venue au Malawi (4-13 octobre). Parmi les visages de treize petits garçons, celui de David séduit cette dernière, qui, déjà mère naturelle de Lourdes, 10 ans, et de Rocco, 5 ans, aurait tenté, sans succès, de concevoir un troisième enfant. À 48 ans, elle ne peut plus nourrir beaucoup d’espoirs. D’où son désir d’adoption. Jusque-là, rien de condamnable. Après tout, beaucoup d’autres stars telles Mia Farrow, Angelina Jolie, Meg Ryan, Steven Spielberg ou Johnny Hallyday ont déjà franchi le pas en recueillant un orphelin originaire du Tiers Monde. Jadis, la grande Joséphine Baker en adopta pour sa part une douzaine !
Sauf que la Madone, experte dans l’art de ne rien faire comme les autres, s’est allègrement dispensée de respecter les procédures d’adoption en vigueur au Malawi, qui exigent des candidats dix-huit mois, au moins, de résidence dans le pays avant de se voir accorder (ou refuser) la garde définitive de l’enfant. Arrivée à Lilongwe en compagnie de son mari, le producteur Guy Ritchie, la chanteuse n’a eu besoin que de huit jours pour obtenir le feu vert de la Haute Cour de justice.
Cette décision – ou plutôt ce passe-droit – a aussitôt suscité l’indignation du Comité consultatif des droits de l’homme, qui regroupe une bonne soixantaine d’associations malawites. « Une personne qui ne réside pas au Malawi ne peut pas adopter un enfant », assène Justin Dzodzi, le président dudit comité. Certes, la star a déjà mené plusieurs opérations caritatives en Afrique. Certes, elle s’est engagée à financer divers projets de développement au Malawi à hauteur de 5 millions de dollars, dont un orphelinat destiné à accueillir quatre mille enfants. Mais il n’est pas interdit de se demander ce que son offre serait devenue dans l’hypothèse où l’adoption de David lui aurait été refusée.
Alors, coup publicitaire comme le show-biz en est coutumier ou vrai coup de cur ? Les fans de la star rappellent que, lors de sa dernière tournée mondiale, elle a sollicité la générosité de son public en projetant sur des écrans géants des images d’enfants malnutris, accompagnées d’adresses où envoyer des dons. Et que Yohane Banda, le père de David, a donné sa bénédiction à la Madone en jurant qu’elle est « une femme bien ». Mais tout cela ne prouve pas grand-chose. En tout cas, ni la presse britannique ni les associations malawites ne se sont laissé convaincre. Ces dernières vont d’ailleurs faire appel de la décision de la Haute Cour.
Faute de passeport en règle, David n’a pu repartir avec sa mère adoptive. Il est finalement arrivé à Londres quelques jours plus tard, escorté par une nounou et un garde du corps. Il devrait y rester pendant dix-huit mois, la durée légale de la garde temporaire décidée par la Haute Cour de Lilongwe. Mais Madonna n’en a pas fini pour autant avec les ennuis. Une autre épreuve l’attend, à Londres, la ville où elle réside, cette fois. La loi britannique stipule en effet que les résidents étrangers désireux d’adopter un enfant également étranger doivent en faire préalablement la demande auprès des autorités. La chanteuse l’ayant négligé, elle encourt une peine d’emprisonnement.

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