Une politique de logement efficace doit être favorable aux initiatives privées
Professeur d’économie et de politique publique à l’École Blavatnik de gouvernement et directeur du Centre pour l’étude des économies africaines à l’Université d’Oxford, Paul Collier est membre du conseil consultatif de la revue Secteur privé et développement, éditée par Proparco.
Cette tribune figure en introduction du dernier numéro de la revue Secteur privé et développement, éditée par Proparco.
L’accès à des logements convenables à prix abordable est crucial pour le développement. Les logements déterminent le niveau de vie, leur emplacement affecte les possibilités d’emploi tandis que leur construction peut générer des milliers d’emplois. Dans la plupart des pays pauvres, cependant, les politiques publiques et les organisations commerciales ont largement imité les processus des pays à revenu élevé, pensés pour les élites. Cela a conduit à la marginalisation des gens ordinaires, avec des millions d’entre eux condamnés à habiter dans des constructions non-conventionnelles bâties de leurs mains. Dans de nombreux pays, l’accès à la propriété reste le privilège des mieux lotis alors que le nombre de personnes vivant dans des logements insalubres augmente de 25 millions par an.
Les bidonvilles – le corollaire inévitable de l’urbanisation effrénée – continuent de proliférer à la périphérie des villes dans le monde en développement. Entre 2000 et 2012, le nombre de personnes vivant dans ces quartiers informels a augmenté de 12,5 % , passant de 767 à 863 millions d’euros. Pour remédier à cela, on estime que quelque 565 millions de nouveaux logements seront nécessaires d’ici à 2030, en plus des 400 millions d’unités nécessaires pour combler le déficit actuel de logements. La croissance de la population exerce une pression croissante sur la demande.
En faveur du secteur formel
Fournir des logements abordables, cependant, est loin d’être facile. Ceux construits et gérés par les autorités publiques, qui de fait ne répondent pas aux exigences imposées par les mécanismes du marché, ont un très mauvais bilan. Et, bien que le secteur informel du logement soit conduit par les forces du marché, il a lui aussi échoué. Seul le secteur formel peut fournir la standardisation, le contrôle de la qualité, les économies d’échelle, la légalité et la coordination avec la construction d’infrastructures.
Les dépenses nécessaires ne peuvent pas être prises en charge pas les seuls deniers publics.
Les dépenses nécessaires pour relever ces défis et les dépenses liées à la production de logements abordables à grande échelle ne peuvent pas être prises en charge pas les seuls deniers publics. Les États devront travailler avec le secteur privé à la création des conditions favorables pour le développement de logements sociaux. Les droits fonciers urbains doivent être clarifiés; le zonage doit prendre en compte les lieux d’habitation et de travail avec la mise en place de réseaux de transports. Les chantiers de construction doivent avoir accès aux infrastructures publiques avant que les travaux ne débutent. Les normes de construction doivent être mises en conformité avec les réalités d’aujourd’hui. Les droits des bailleurs et des propriétaires doivent permettre aux nouvelles maisons, qu’elles soit en location ou occupées par le propriétaire, à fonctionner comme garantie financière. Enfin, les banques commerciales restant réticentes à prêter, les banques centrales devraient encourager l’innovation financière.
Un environnement favorable aux initiatives privées
Une politique de logement efficace est celle qui crée un environnement favorable aux initiatives privées. Le rôle des gouvernements n’est pas de soutenir artificiellement la construction de logements par des subventions, mais plutôt de concentrer leurs efforts sur la protection des opérations et l’introduction d’incitations ciblées encourageant l’émergence d’un secteur du logement durable et indépendant.
Il est urgent de trouver de nouveaux modèles qui répondent aux forts besoins d’aujourd’hui et de demain en matière de logement. Cette question doit être traitée en prenant en compte certaines initiatives récentes importantes qui montrent des signes prometteurs quant à l’émergence d’une nouvelle génération de promoteurs de logements à faible coût. En Inde, par exemple, une filiale de Tata, en phase avec les attentes des populations, a été en mesure de combiner économies d’échelle et standardisation pour construire des logements convenables à un coût unitaire d’environ 10 000 dollars. Les logements construits par les communautés en sont un autre exemple. Au Mexique, une nouvelle initiative a réussi à réunir les avantages des économies d’échelle de l’approvisionnement industriel en ciment avec la réduction des coûts de « l’auto-construction » communautaire pour répondre aux besoins du marché. Les pouvoirs publics devraient aussi s’intéresser aux solutions informelles mises en place par ceux qui sont confrontés à des problèmes de logement. Reconnues et encadrées par les autorités locales, celles-ci pourraient représenter de véritables innovations et, à terme, susciter l’intérêt du secteur privé.
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