Algérie : à Alger, 57 ans après l’indépendance, la rue fête la « renaissance »

Cette année, les Algériens ont fêté le 57e anniversaire de leur indépendance dans un contexte particulier. Quatre mois après le début du mouvement qui a vu la chute de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, ils réclament toujours la fin du « système » et l’instauration d’un État de droit.

Des manifestants commémorant le 57e anniversaire de l’indépendance algérienne, vendredi 5 juillet 2019 à Alger. © Twitter/Zahra Rahmouni

Des manifestants commémorant le 57e anniversaire de l’indépendance algérienne, vendredi 5 juillet 2019 à Alger. © Twitter/Zahra Rahmouni

Publié le 5 juillet 2019 Lecture : 3 minutes.

« C’est vous la France ! » lance un jeune homme aux policiers qui forment un cordon bloquant déjà le millier de personnes rassemblées en plein centre d’Alger. Il n’est pas encore midi, mais le ton est déjà donné. Ce vingtième vendredi de mobilisation est un jour historique pour bon nombre de protestataires. « Le 5 juillet 1962, l’Algérie fêtait son indépendance. Le 5 juillet 2019, l’Algérie fête sa renaissance ! » exulte Samir, un coiffeur de 32 ans.

Après un ralentissement du mouvement ces dernières semaines, dû notamment au quadrillage de la capitale, les principales figures du mouvement ont appelé à ne pas relâcher la pression sur le pouvoir. Dans une vidéo publiée mardi 2 juillet, sept personnalités, dont Mustapha Bouchachi, célèbre avocat des droits de l’homme, et Abdelaziz Rahabi, ex-diplomate et coordinateur de « la conférence nationale du dialogue », qui aura lieu samedi 6 juillet, ont dénoncé les arrestations ainsi que les restrictions politiques et médiatiques. Ils ont appelé la population à sortir massivement « pour faire du 5 juillet 2019 une consécration de la libération de l’homme après la libération de la terre».

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Les étudiants, moudjahidine du XXIe siècle ?

Tout au long de la semaine, des appels à manifester ont été relayés sur la toile algérienne. Autant ou si ce n’est plus qu’à l’aube du 22 février 2019, premier vendredi de mobilisation nationale. Sur les plateformes communautaires, les affiches patriotiques ont fleuri. « Vendredi de la libération, vous êtes tous concernés », lisait-on sur l’une d’elles, qui mettait en scène les combattants de la guerre d’indépendance Larbi Ben M’hidi, Ali La Pointe et Hassiba Ben Bouali.

« Ce n’est pas un hasard si cette date tombe un vendredi », sourit Samir, un étudiant en droit. Il y a trois jours, Mouad Bouchareb démissionnait de la présidence de l’Assemblée nationale populaire. Une annonce qui, selon lui, ne change rien. « Nous allons continuer tant que [le président Abdelkader] Bensalah, [le Premier ministre Noureddine] Bédoui et les autres représentants du système sont toujours en poste », poursuit-il. Et tant pis si cela veut dire rater son année universitaire.

Nous voulons la véritable indépendance. On préfère une année blanche qu’un avenir sombre

Parmi les étudiants, la notion de sacrifice revient régulièrement. Depuis le mois de février, ils sont le fer de lance de la contestation. Beaucoup ont mis entre parenthèse leur année universitaire pour faire grève et occuper les campus. Certains passeront leurs examens en septembre prochain.

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« Nous voulons la véritable indépendance. On préfère une année blanche qu’un avenir sombre », martèle Hafida, étudiante en sociologie. Là encore, le parallèle est vite fait avec les combattants de la guerre de libération. « Eux aussi étaient jeunes, et ils n’ont pas sacrifié une année d’étude, ils ont sacrifié leur vie », ajoute-t-elle entre deux slogans hostiles au chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah.

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Participer ou non à la conférence nationale ?

Samedi, une « conférence nationale de dialogue » rassemblera plusieurs partis politiques, des organisations de la société civile, des personnalités nationales ainsi que des confédérations syndicales. Cette réunion devrait accoucher d’une feuille de route pour une sortie de crise et l’organisation rapide de l’élection présidentielle. Sauf que dans les rangs des manifestants, les avis sont partagés.

« Je suis pour, si des figures comme Me Bouchachi et Karim Tabbou [porte-parole de l’Union démocratique et sociale] y participent. Il faut bien se réunir et discuter pour que l’on puisse avancer. Mais le dernier mot doit revenir à ces gens », estime une quinquagénaire en désignant la foule. Plus loin, un retraité de la fonction publique affiche un air circonspect. « Je ne me sens pas vraiment représenté par ces partis politiques, hormis le FFS. Le problème, c’est que le parti se déchire en interne, et j’ai appris qu’il n’allait peut-être pas participer à la conférence. »

Certaines personnalités ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne se rendraient pas à la réunion. En attendant, l’Algérie se dirige vers une situation inédite avec l’expiration, le 9 juillet prochain, de la période d’intérim de quatre-vingt-dix du chef de l’État, Abdelkader Bensalah.

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