Scandales collatéraux

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 23 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

C’est entendu : la détention, pendant près de huit ans, des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien, à l’issue d’une succession de procès bâclés et sur la base d’instructions menées uniquement à charge, constitue en soi un vrai scandale. Mais, de cette affaire, les partenaires de la Libye et autres intervenants dans ce dossier ne sortent pas grandis, c’est le moins que l’on puisse dire. Voici le relevé – non exhaustif – de ces petits scandales collatéraux.

– Faire semblant de considérer la justice libyenne comme indépendante et attendre, dans la fièvre, qu’elle tranche enfin. Alors que l’on sait très bien que les décisions du Conseil supérieur des instances judiciaires sont dictées par Mouammar Kadhafi et par nul autre.

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Négocier pendant des années, en faisant croire qu’on « marche sur des oeufs », afin de ménager la susceptibilité et l’imprévisibilité du « Guide ». Alors que, si l’on marche sur des oeufs, c’est avant tout pour ménager ses propres intérêts commerciaux (pétrole, vente d’armes et d’avions, etc.) sur place.

– Courtiser Kadhafi à coups d’émissaires, de messages et d’appels téléphoniques complaisants. Alors qu’une attitude beaucoup plus ferme, liant la levée de l’embargo au sort des détenus, aurait sans doute été plus rapidement payante.

– Accepter de se rendre sous la tente du colonel – Blair, Berlusconi, Aznar, Prodi et d’autres l’ont fait. Alors que Kadhafi était autant demandeur que ses hôtes, lesquels auraient au moins pu tenter de conditionner leur voyage à un résultat concret sur ce dossier.

– Laisser à penser que ce sont les Européens qui vont payer les quelque 460 millions de dollars de compensations versées aux familles libyennes. Alors que c’est l’État libyen, en tant qu’ex-employeur des condamnés, qui a d’ores et déjà réglé l’essentiel de ce « prix du sang ».

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– Tolérer qu’en échange de leur grâce les infirmières et le médecin, que l’on dit innocents, rédigent des demandes de pardon, s’engagent à ne pas intenter d’action judiciaire contre Tripoli et purgent leur peine en Bulgarie. Alors que ce type de démarche contrevient à toutes les conventions et à toutes les règles du droit. Et que nul, à commencer par la partie libyenne, n’ignore que ces engagements ne sont pas sincères et ne seront pas respectés.

– Pleurer sur le sort – assurément injuste et fort peu enviable – réservé aux condamnés de Benghazi, puis remercier, sans nul doute, Kadhafi pour sa clémence. Alors que les infirmières étaient depuis plusieurs années détenues dans des conditions proches de la résidence surveillée et, en tout cas, nettement plus favorables que la centaine de prisonniers d’opinion recensés par Amnesty International en Libye. Il est vrai que la plupart d’entre eux sont des islamistes et que les droits de l’homme ne s’appliquent pas aux islamistes.

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– Rivaliser entre Européens pour être le premier à tirer bénéfice d’un dénouement heureux et pour pouvoir dire : « C’est moi qui ai arraché leur libération. » Alors que cette attitude n’a fait qu’accroître la marge de manoeuvre et les capacités dilatoires de la partie libyenne.

– Dernier scandale, enfin, et qui concerne, celui-là, les dirigeants arabes : le cas du médecin palestinien. On n’a pas entendu un seul responsable de la région manifester le moindre intérêt ni la moindre compassion à son égard. Mieux (ou pis) : il a fallu que ce pauvre homme saisisse, pour s’en sortir, l’offre de naturalisation offerte par…Â la Bulgarie. Quant à son propre président, Mahmoud Abbas, il a toujours été aux abonnés absents sur ce dossier. À moins qu’il ait souhaité ne pas risquer de froisser Kadhafi. Ou les deux à la fois : impuissant et timoré.

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