Pays pauvres, pays cobayes ?

Publié le 23 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

A la fin des années 1990, dans un petit hôpital du nord de la Thaïlande, un médecin de l’armée américaine supervise un essai clinique. Objectif : établir, notamment en fonction de l’étude du sang de la mère, les conditions de transmission du virus du sida à l’enfant. À l’époque, l’AZT, qui permet de réduire les risques de contamination du ftus, fait son apparition en Thaïlande. Mais la première phase des essais cliniques se déroule sans recours à l’AZT. Résultat : sur 101 patientes, 22 donnent naissance à des bébés séropositifs, rapporte le Washington Post. En clair, le médecin n’a pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour empêcher la contamination.
Autre continent, même situation. À partir de 2004, au Ghana, au Cameroun et au Nigeria, une fondation américaine teste le Tenofovir sur des prostituées. On espère alors que ce médicament empêche la transmission du VIH. La moitié des femmes doit recevoir le Tenofovir, l’autre, un placebo. Mais rapidement, le test est suspendu à Douala, où il porte sur 400 patientes. Il est reproché aux organisateurs de négliger la promotion de l’usage du préservatif ainsi que l’explication pédagogique des principes du test. Certaines femmes sous placebo pourraient se sentir prémunies et donc n’avoir plus recours au préservatif
Les pays en développement sont-ils devenus les champs d’expérimentation bon marché des majors pharmaceutiques ? Simpliste. « Administrativement, c’est aussi lourd et compliqué d’organiser un essai au Nord qu’au Sud, soutient Philippe Guérin, médecin épidémiologiste à Épicentre, la branche recherche de Médecins sans frontières. Monter un plateau technique au Nigeria, c’est très coûteux. »
Dans un cas comme dans l’autre, c’est le cynisme de l’équation qui choque l’opinion : en choisissant des populations à risques – malades et prostituées en l’occurrence -, les laboratoires ont plus de chances de tester l’efficacité de leurs médicaments. Comme le souligne l’association Act Up au moment du test du Tenofovir, « scientifiquement, il faut des contaminations pour que les essais soient intéressants ».
Mais c’est surtout le respect des règles éthiques qui est problématique. Elles sont fixées par des déclarations internationales Helsinki en 1964, Manille en 1981 notamment -, mais aucune sanction n’est prévue. Pour tout essai clinique, un comité d’éthique doit être en place dans le pays concerné, qui veille au respect des règles. Le consentement du patient, par exemple. Mais comment l’obtenir dans une situation d’urgence, qui lui laisse difficilement la possibilité du refus ? Du côté des médecins, on reste pragmatique : « Si on ne fait pas d’essais dans des contextes de crise, on n’améliorera jamais les traitements », assure Philippe Guérin.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires