Nigeria : les banques devront prêter plus, sous peine d’être sanctionnées

La Banque centrale du Nigeria contraint désormais les banques à un ratio minimum de prêts/dépôts aux entreprises et aux particuliers, afin de stimuler l’économie du pays. Une mesure susceptible d’inciter les banques à souscrire à des emprunts risqués, mettent en garde des analystes financiers.

Le siège de la Banque centrale du Nigeria à Abuja. © CC / Wikimedia Commons

Le siège de la Banque centrale du Nigeria à Abuja. © CC / Wikimedia Commons

Publié le 8 juillet 2019 Lecture : 2 minutes.

La circulaire d’Ahmad Abdullah, directeur du contrôle de la Banque centrale du Nigeria (BCN), adressée le 3 juillet dernier à « toutes les banques » du pays est claire. « Afin d’accélérer la croissance de l’économie nigériane à travers l’investissement dans l’économie réelle », la BCN a approuvé les mesures suivantes :

-Toutes les banques de dépôts sont tenues de respecter un ratio prêts/dépôts minimum de 60% à compter du 30 septembre 2019

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-Pour encourager les PME, les secteurs de la vente au détail, l’hypothèque et les prêts à la consommation se verront attribuer une pondération de 150% dans le calcul de ce ratio prêt/dépôt

-Le non-respect de ce ratio à la date fixée entraînera un prélèvement de trésorerie équivalent à 50% de l’insuffisance de prêt.

Vers une reprise des « prêts douteux » ?

À travers ces mesures contraignantes, la Banque centrale du pays le plus peuplé d’Afrique (194 millions d’habitants en 2018, selon le FMI) entend redynamiser son économie, après la récession liée à la chute des prix du pétrole en 2014. Si l’économie a depuis repris en vigueur, les prêts aux particuliers et aux entreprises sont encore timides de la part des banques qui privilégient l’investissement dans des titres publics.

Pour autant, cette décision de la BCN laisse certains observateurs septiques. « Il y a de forts risques pour que nous assistions à une reprise des prêts douteux », a déclaré un analyste financier cité par l’agence Reuters, qui met en garde contre « une possibilité de réévaluation des prêts, qui aura un impact sur les marges ». Inquiétude partagée du côté du cabinet d’analyse Moody’s, dont l’analyste Peter Mushangwe décrit dans une document public une directive « négative pour le crédit ». En plus de ne pas sécuriser les sources de financement, selon lui, « elle forcera certaines banques à souscrire des emprunts potentiellement plus risqués pour respecter le ratio minimum ».

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2 banques sur 9 en dessous du ratio

Depuis 2014, le ratio des prêts douteux a chuté à environ 9 %, alors qu’il était à deux chiffres au plus fort de la récession, mais toujours supérieur à l’objectif de 5 % fixé par la BCN, précise Reuters.

Selon Moody’s, United Bank of Africa (UBA) et Union Bank of Nigeria (UBN) risquent d’être les deux établissements bancaires les plus impactés par cette circulaire, étant en 2018 les seuls à avoir un ratio prêts/dépôts inférieur à 60%.

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Certains experts remarquent par ailleurs que cette nouvelle règle renvoie à l’époque où la BCN déterminait les allocations de crédit aux banques, comme en 1984, lorsque l’actuel président de la République Muhammadu Buhari était chef militaire. Réélu pour un second mandat en février 2019, avec l’engagement de relancer la croissance économique, Muhammad Buhari n’a pas encore réussi à mettre sur pied son cabinet gouvernemental. Il a en revanche signé l’accord de création de la Zone de libre-échange continentale ce dimanche 7 juillet au sommet de l’Union africaine (UA), à Niamey.

Depuis 2016, alors que le PIB du Nigeria diminuait de 1,6% selon le FMI par rapport à 2015, la croissance du pays est progressivement repartie à la hausse, atteignant un taux de 1,9% en 2018, avec des prévisions de 2,1% en 2019 et 2,4% en 2021. Si le pays est la première économie du continent grâce à sa production de 2 millions de barils de pétrole par jour, celui-ci peine à enrayer la pauvreté extrême dont il détient le record mondial, avec près de 94 millions de personnes vivant dans cette situation en juillet 2019, selon les chiffres de l’outil World Poverty Clock.

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