Mobutu et ses petits francs suisses

Berne serait prêt à rendre l’argent de l’ancien dictateur. Encore faudrait-il que Kinshasa le réclame en bonne et due forme.

Publié le 23 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

« Pour moi, cette déclaration est sans objet. » Nzanga Mobutu, fils du défunt dictateur Mobutu Sese Seko et membre du gouvernement congolais, ne cache pas son mépris pour qualifier la déclaration faite à Kinshasa le 16 juillet par la présidente de la Confédération helvétique, Micheline Calmy-Rey. Celle-ci a annoncé que la Suisse était disposée à rendre au gouvernement congolais les 8 millions de francs suisses (4,8 millions d’euros) appartenant à l’ex-dictateur. Bloquée depuis la mort de Mobutu en 1997, la somme n’avait, jusqu’alors, jamais été aussi précisément évaluée. D’aucuns jugent qu’elle est bien faible, mais Micheline Calmy-Rey n’en a pas moins estimé que ces quelques millions revenaient de droit au peuple congolais. Les ONG congolaises et suisses, qui militent depuis longtemps pour le retour des avoirs de Mobutu, ont salué la nouvelle, mais sont restées prudentes. Car encore faut-il prouver légalement la provenance criminelle de cet argent, ont-elles rappelé… Un détail qui n’a pas échappé à Nzanga Mobutu. « Ma position n’a jamais changé depuis la mort de mon père, explique-t-il. Si cet argent a été détourné, qu’on le prouve, sinon, qu’on rétablisse ma famille dans son bon droit. »

Depuis dix ans, et l’obtention par Laurent-Désiré Kabila du gel des avoirs de Mobutu, aucune enquête n’a été menée sur le sol congolais. Selon la législation suisse, il revient aux autorités du pays d’apporter la preuve que les fonds placés proviennent de détournements d’argent public. Ces contraintes, si elles sont dures, ne sont pas insurmontables : en 2003, la Confédération helvétique a ainsi restitué au Nigeria 450 millions de dollars, « mal acquis » et stockés sur des comptes par le dictateur Sani Abacha. Abuja n’avait pas ménagé sa monture pour récupérer son dû, en fournissant rapidement à Berne les pièces justificatives. Aujourd’hui, l’Office suisse des poursuites attend toujours les documents en provenance de la RDC. Une inaction qui s’expliquerait par le contexte politique, la désorganisation causée par la guerre et la pugnacité de la famille Mobutu.

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Selon les ONG, la solution pourrait venir du côté de la Confédération helvétique. Certaines, comme Action place financière Suisse (APF), militent pour que leur pays change sa législation et enquête lui-même sur la provenance des fonds litigieux. Une option que le président Joseph Kabila avait suggérée aux Helvètes, sans succès pour le moment. L’annonce de Micheline Calmy-Rey signifie-t-elle que la Suisse est prête à s’investir pour se débarrasser de l’encombrant héritage Mobutu au profit de l’ancien Zaïre ? Le gel des fonds négocié en 1997 doit prendre fin le 31 décembre 2008. Si aucune preuve de détournement n’a été présentée d’ici là par les autorités congolaises, l’argent reviendra à la famille Mobutu. Les récentes déclarations de la présidente de la Confédération helvétique ressembleraient alors fortement à des vÂux pieux. Comme le souhaite Nzanga MobutuÂ

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