Sommet de l’Union africaine : le casse-tête libyen
La crise libyenne a fait l’objet d’âpres discussions lors du sommet de l’Union africaine à Niamey. L’organisation continentale devrait rapidement soumettre l’idée d’envoyer en Libye un émissaire conjoint à l’UA et l’ONU.
Une semaine après le bombardement d’un camp de détention de migrants le 2 juillet à Tajoura, une banlieue de Tripoli, qui a tué au moins 53 personnes dont six enfants, selon l’ONU, le dossier libyen était dans toutes les têtes au sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA) à Niamey. Après le Conseil paix et sécurité, jeudi, ce fut au tour du comité de haut niveau de l’UA, présidé par Denis Sassou Nguesso, de se réunir dimanche 7 juillet.
À la tête d’une importante délégation, le Premier ministre Fayez al-Sarraj y a participé. Son rival, le maréchal Khalifa Haftar, n’était pas invité. Conséquence, l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, soutien affiché de l’homme fort de l’est libyen qui mène une offensive depuis début avril pour s’emparer de la capitale, a préféré boycotter la rencontre alors qu’il était pourtant présent dans l’enceinte du palais des congrès au même moment.
Médiation de l’UA
L’absence du président en exercice de l’UA a été remarquée. Pour ne rien arranger, les chefs de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, et tchadien, Idriss Déby Itno, ont même été contraints de hausser le ton pour que le ministre égyptien des Affaires étrangères pointe finalement le bout de son nez. Enfin, l’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, très critiqué dans les couloirs de l’UA, n’était pas non plus présent. L’organisation continentale devrait d’ailleurs demander dans les prochains jours qu’un autre envoyé spécial, cette fois-ci commun à l’UA et à l’ONU, soit dépêché en Libye.
« Les discussions ont été franches et dures. L’Égypte est favorable à une solution militaire et ne veut pas de l’initiative de l’UA. Elle fait tout pour la torpiller », commente un diplomate ayant participé à la réunion qui précise que Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’organisation, a clairement demandé aux participants de se positionner. « Il faut que les États impliqués disent clairement s’ils veulent du concours de l’Union africaine », poursuit notre source.
Les ingérences étrangères ont également été dénoncées lors du huis clos. Outre l’Égypte, la Russie, la France, les États-Unis, l’Italie, la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) ont chacun joué leur partition. « Ces dernières semaines, le soutien de la Turquie a permis aux troupes de Sarraj de modifier le rapport de force. Ankara fourni des armes, des drones et des avions au Gouvernement d’union nationale », explique une source sécuritaire.
Dans ce contexte, « l’UA n’a pas les cartes en main dans le dossier libyen. Sa médiation n’a aucune chance », poursuit un fin connaisseur de la crise.
Vendredi, le Conseil paix et sécurité de l’UA avait demandé la mise en place d’une enquête indépendante sur le bombardement du camp de détention des migrants. Dans un communiqué, le Gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, avait attribué l’attaque au « criminel de guerre Khalifa Haftar ». Mais certaines sources sécuritaires remettent en cause cette version.
Appel au cessez-le-feu
Moussa Faki Mahamat avait « fermement » condamné cette frappe qui a tué « plus de 40 civils innocents, tous des migrants ». Il avait « demandé que soit menée une enquête indépendante pour s’assurer que les responsables du meurtre (…) rendent des comptes ». Quelques jours plus tôt, le président de la commission de l’UA avait réitéré « son appel pour un cessez-le-feu immédiat ».
Le Conseil avait également appelé les autorités libyennes à démanteler les différents centres et a invité tous les pays concernés à redoubler d’efforts pour faciliter l’évacuation rapide des migrants.
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