[Tribune] Pour un plan d’urgence pour l’éducation au Sahel

En plus de l’appui à la sécurité, le Sahel a besoin d’une réponse forte, sur le long terme, pour mettre en place une éducation de qualité et pérenne. Un plan d’urgence est nécessaire.

Une femme et ses enfants à Louri, au Tchad, le 1er novembre 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Une femme et ses enfants à Louri, au Tchad, le 1er novembre 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

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  • Daouda Mamadou Marthé

    Ministre de l’Enseignement primaire, de l’Alphabétisation, de la Promotion des langues nationales et de l’Education civique du Niger

Publié le 10 juillet 2019 Lecture : 4 minutes.

Dans nos pays, le développement du secteur de l’éducation reste largement entravé par le fort taux de croissance démographique, le mauvais pilotage, les us et les coutumes. L’accès et l’achèvement sont plus difficiles parmi les groupes vulnérables, notamment les filles des zones rurales, les enfants des zones nomades et les enfants handicapés affectés par la fréquence désormais élevée des chocs climatiques et sécuritaires.

Ces derniers temps, l’insécurité au Sahel a entraîné la fermeture d’environ 2 000 écoles au Burkina Faso, au Mali et au Niger, soit le double du nombre d’établissements scolaires contraints de fermer ou de cesser leurs activités depuis 2017. Cette situation affecte l’éducation de plus de 400 000 enfants dans ces trois pays et a contraint 10 050 enseignants à abandonner leur emploi, à se déplacer ou à être redéployés en raison de la violence. Les situations de conflit affectent en particulier l’éducation des jeunes filles. Celles vivant dans des zones de conflit sont 2,5 fois plus susceptibles que les garçons de ne pas être scolarisées.

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Des efforts au Niger, au Burkina et au Mali…

Dans le cadre sécuritaire, les gouvernements du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont tous adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, s’engageant à protéger et à poursuivre l’éducation dans les zones de conflits armés. La tâche est toutefois loin d’être aisée dans une région où les communautés locales font déjà face à l’extrême pauvreté.

Le Niger a alloué 21% de son budget au secteur de l’éducation en 2019

Certains pays de notre espace se situent au bas de l’indice de développement humain du PNUD, avec des indicateurs faibles en matière d’éducation, de santé et de niveau de vie. Mais les classements du PNUD ne doivent pas masquer les efforts des pays dans l’amélioration de leurs indicateurs. Ainsi, le Niger a fait progresser ses indicateurs de 40% entre 2000 et 2017. Le Burkina Faso et le Mali ont respectivement amélioré leurs indicateurs de 50% et de 40% au cours de la même période.

Par exemple au Niger, au cours de la période 2010-2014, la part des investissements dans l’éducation est passée de 3,7% à 6,7% du PIB. En 2014, le niveau d’investissement du Niger en part du PIB était supérieur de 2 points à la moyenne mondiale qui s’élevait à 4,7%. L’augmentation de l’insécurité couplée à la chute des prix des matières premières a malheureusement ralenti cette dynamique. Malgré ce contexte, le Niger a alloué tout de même 21% de son budget au secteur de l’éducation en 2019.

…mais une baisse de l’aide humanitaire

Au regard des niveaux d’investissements actuels dans l’éducation et des arbitrages (légitimes) autour de la sécurité, nos pays ne pourront peut-être pas atteindre l’objectif 4 des ODD qui vise à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.

La part de l’éducation dans l’aide publique au développement mondiale a fortement chuté ces dernières années

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Cette situation s’inscrit par ailleurs dans un contexte de baisse de financement de l’éducation dans le monde. En effet, en 2015, la part de l’éducation en situation d’urgence représentait 2,7% de l’aide humanitaire, loin de l’objectif de 4%. La part de l’éducation dans l’aide publique au développement mondiale a fortement chuté ces dernières années pour représenter moins de 7% de ce qu’elles étaient.

Un plan d’urgence nécessaire

Bien entendu, l’équation entre la sécurité et l’éducation ne doit pas être considérée comme un jeu à somme nulle. En plus de l’appui à la sécurité, le Sahel a besoin d’une réponse forte, sur le long terme, pour mettre en place une éducation de qualité et pérenne.

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Nous avons besoin de l’ensemble de nos partenaires – membres de l’Alliance Sahel et les autres – pour la mise en place d’un plan d’urgence pour soutenir de façon pérenne l’éducation au Sahel. Collectivement, en optimisant les mécanismes de financement actuels, nous devrons œuvrer pour que les montants alloués soient proportionnels aux déficits de financement des pays bénéficiaires, de façon que, dans le cadre des efforts engagés pour atteindre l’ODD 4, l’aide à l’éducation parvienne là où les besoins sont les plus grands.

Ce plan d’urgence permettra d’aborder les questions de financement, de qualité de l’enseignement, de modernisation des infrastructures, d’introduction des TICs dans les méthodes d’enseignement. Il devra fournir une aide supplémentaire, prévisible et surtout flexible et donner la priorité aux régions en crise et zones où les niveaux d’éducation sont insuffisants. Cet effort permettra de mieux cibler les groupes les plus vulnérables, les jeunes filles, les personnes en situation d’handicap ainsi que les communautés pastorales.

La paix, la sécurité et le développement au Sahel ne se feront pas sans une éducation de qualité.

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