Sénégal : « Nous sommes en train de créer le plus grand centre d’incubation d’Afrique de l’Ouest »

Entretien avec Papa Amadou Sarr, délégué général à l’entrepreneuriat rapide, un concept imaginé par le président Macky Sall pour dynamiser la création d’entreprises par les femmes et les jeunes et accompagner la formalisation de l’économie.

Papa Amadou Sarr, délégué général à l’entrepreneuriat rapide © Délégation générale à l’Entrepreneuriat Rapide/2019.

Papa Amadou Sarr, délégué général à l’entrepreneuriat rapide © Délégation générale à l’Entrepreneuriat Rapide/2019.

Publié le 12 juillet 2019 Lecture : 4 minutes.

Formalisation de l’économie, création d’emplois et aide à l’inclusion financière… la Délégation générale à l’Entrepreneuriat Rapide, créée en 2017 et opérationnelle depuis mars 2018, à l’initiative du président sénégalais Macky Sall, est un programme ambitieux visant à dynamiser l’entrepreneuriat sénégalais, principalement en direction des femmes et des jeunes. Son président Papa Amadou Sarr, délégué général à l’Entrepreneuriat Rapide, s’est entretenu avec Jeune Afrique le 19 juin dernier, lors des Journées européennes du développement à Bruxelles, pour expliciter les ambitions et les moyens alloués à sa délégation

Jeune Afrique : Pourriez-vous nous définir le concept d’entrepreneuriat rapide ?

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Papa Amadou Sarr : C’est un processus d’entrepreneuriat classique, dans lequel on introduit une dose de célérité visant à créer des PME en 24 à 48 heures. Il s’agit de contribuer au renforcement du capital humain, et de transformer structurellement l’économie grâce à la formalisation de entrepreneuriat, l’éducation et l’inclusion financière.

De quelle manière soutenez-vous les entrepreneurs ?

Plus de 90 % des personnes qui nous sollicitent sont totalement exclues des systèmes financiers, nous les aidons en leur apportant des financements, en leur ouvrant des comptes bancaires. Nous subventionnons aussi les coûts liés à la formalisation des entreprises informelles. Tout cela grâce à des guichets et une plateforme en ligne qui permettent d’intégrer le registre de commerce et de formaliser son entreprise.

Pour l’aspect bancaire, nous demandons des garanties moins compliquées que celles demandées par les banques, bien que nous ayons recours aux banques et institutions de micro-crédit pour favoriser la bancarisation. Nous faisons des prêts avec des financements directes, ou bien des prises de participation à l’image que ce que font les entreprises d’investissement privé. Jusqu’à présent nous avons un taux de recouvrement de 70 %.

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Quels sont les objectifs de votre délégation et vos moyens ?

Nous partons de l’objectif initial du Président Macky Sall qui est de créer un million d’emplois dans les cinq ans à venir. Nous nous sommes engagés à créer 275 000 emplois pour ce mandat.

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L’enveloppe annuelle est de 50 millions d’euros, entièrement financée par l’État, que l’on espère faire passer à 100 millions d’euros pour avoir plus d’impact. Toutes les régions ont une enveloppe définie en fonction de critères démographiques.

Le niveau d’accompagnement est-il le même pour tous les projets ?

Il y a trois types de guichets. Le premier s’appelle « autonomisation économique pour femmes et jeunes » qui alloue de 100 à 1 000 euros (656 000 francs CFA). Celui-ci réuni 70 % de femmes qui empruntent pour développer des activités génératrices de revenus (couture, manucure, commerce, agriculture vivrière).

Le second : « soutien aux TPME et PME » distribue des aides allant de 1500 à 15 000 euros pour les entreprise formelles, ou qui souhaitent être formalisées ou qui ont besoin d’aide par exemple pour de l’équipement ou de l’investissement en capital. Le taux d’intérêt étant plafonné à 5 %.

Le troisième : « promotion des chaines de valeurs », avec des financements allant de 15 000 à 300 000 euros, pour des entreprises qui ont des difficultés d’accès au financement des banques parce qu’elles n’ont pas toutes les garanties nécessaires. Le taux d’intérêt est plafonné à 8 %.

Quels sont les critères d’aide ?

Nous ciblons en priorité les femmes et les jeunes de 18 à 40 ans, pour une dizaine de secteurs allant de l’agriculture aux transports, en passant par l’économie numérique, les services, le tourisme, la pêche ou l’énergie. Il faut être sénégalais et avoir un business plan que l’on pourra par la suite aider à structurer.

Nous avons des équipes d’ingénieurs, banquiers, analystes financiers, agronomes, économistes qui sont chargés de vérifier la viabilité des projets. Ils répondent également aux demandes, font passer des entretiens et vont sur le terrain pour vérifier la véracité des déclarations afin d’enclencher les financements. Ces derniers sont ensuite libérés par tranche, et suivit par les gestionnaires de portefeuilles.

Nous mettons en place un « start-up act » qui sortira en septembre/octobre prochain »

Combien de programmes avez-vous accompagné jusqu’ici ?

Nous avons reçu près de 360 000 demandes en quatre mois. Elles ont débouchés sur 183 017 bénéficiaires. Par guichet : 76 451 personnes ont bénéficié de « l’autonomisation économique », pour un montant de 26 millions d’euros. 10,2 millions d’euros ont été versé pour le « soutien aux TPE et PME », et 14 millions ont été dédié à la « promotion des chaines de valeurs ».

Globalement, 70 % des bénéficiaires étaient des femmes, et nous avons respecté une équité territoriale puisque 549 communes sur 552 ont été concernées.
718 entreprises ont été formalisées et 65 000 comptes bancaires ouverts.

À propos d’économie numérique : quels sont les actions en faveur des start-up ?

Nous mettons en place un « start-up act » qui sortira en septembre/octobre prochain, à travers duquel le Sénégal pourra faciliter les questions financières pour les start-up : les minimums forfaitaires d’imposition seront baissés ou supprimés, une grâce fiscale de trois à cinq ans leur sera accordée pour leur permettre de se développer et les inciter à exporter.

De plus nous sommes en train de créer le plus grand centre d’incubation d’Afrique de l’Ouest, le Dakar Innovation Center, sur un espace de 16000 mètres carrés, où nous travaillerons avec Orange, Simplon, des firmes de la Silicon Valley, des universités (Stanford University). Calquerons les services à l’image de ce que fait la Station F à Dakar, c’est-à-dire permettre l’accès à des Fablab, des nouvelles technologies, des intelligences artificielles. Cet investissement d’impact devrait créer un retour sur investissement dans 10 ans, car ces entreprises vont grandir, payer des taxes et créer de l’emploi.

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