Saphia Arezki : « En Algérie, l’histoire a été largement instrumentalisée par le régime »

Alors que la légitimité de certaines figures – et de l’institution même – revient au cœur de l’actualité ces derniers mois, l’universitaire Saphia Arezki analyse l’histoire de l’armée algérienne et éclaire certains enjeux qui l’entourent.

Le général Ahmed Gaïd Salah à l’académie militaire Houari-Boumédiène de Cherchell, en juillet 2018 (image d’illustration). © Anis Belghoul/AP/SIPA

Le général Ahmed Gaïd Salah à l’académie militaire Houari-Boumédiène de Cherchell, en juillet 2018 (image d’illustration). © Anis Belghoul/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 15 juillet 2019 Lecture : 6 minutes.

L’arrestation fin juin de Lakhdar Bouregaa, un vétéran de la guerre d’indépendance de 86 ans, poursuivi pour « outrage à corps constitué et atteinte au moral de l’armée », a largement indigné en Algérie. La presse nationale est remontée dans la biographie de celui qui avait été emprisonné en 1968 pour son rôle dans le coup d’État manqué du chef d’état-major Tahar Zbiri l’année précédente, et, assez vite, a rencontré l’histoire de l’armée nationale, celle-là même qui occupe une place si particulière dans la transition politique actuelle.

Dans De l’ALN à l’ANP. La construction de l’armée algérienne, 1954-1991 (Barzakh), l’historienne Saphia Arezki ne mentionne pas nommément le moudjahid, mais son travail éclaire sur les relations entre la grande muette, les individus qui la composent et les autres institutions de la République. Elle revient notamment sur le conflit entre Tahar Zbiri et Houari Boumédiène à propos de l’influence présumée des « officiers déserteurs de l’armée française » au ministère de la Défense.

Ces luttes intestines, à en croire la chercheuse associée à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (Iremam), ont en fait servi une institution qui, au fil des conflits, s’est constituée en un « groupe social hégémonique », soudé et en totale cohésion. Son histoire mouvementée explique cependant pourquoi l’enjeu mémoriel occupe toujours une place importante de nos jours, ou encore les polémiques à propos des rôles joués par chacun.

Jeune Afrique : Comment est-ce possible que des décennies après l’indépendance, des débats aient encore lieu sur le rôle de chacun dans la révolution, comme à propos de Lakhdar Bouregaa ? Cela renvoie-t-il aussi à la question de l’accès aux archives ?

Saphia Arezki : Il est normal que des débats aient lieu et cela continuera : c’est comme cela que la recherche progresse. En Algérie, l’histoire a été largement instrumentalisée par le régime qui a rapidement établit une « histoire officielle ». Cette dernière a cependant été remise en cause et discutée dès les années 1970-1980, notamment grâce aux travaux pionniers de Mohammed Harbi (Aux origines du FLN Le FLN mirage et réalité. Des origines à la prise du pouvoir, 1954-1962).

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