Charles Gueboguo

Sociologue camerounais, attaché d’enseignement et de recherche à l’université de Yaoundé-I.

Publié le 23 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

Charles Gueboguo, auteur de La Question homosexuelle en Afrique*, a participé à la 8e conférence Aids Impact à Marseille (France), du 1er au 4 juillet. Discrimination, préjugés, risques liés au sida : il rappelle les persécutions vécues au quotidien par les homosexuels sur le continent.

Jeune Afrique : Peut-on parler de l’émergence d’un militantisme homosexuel africain ?
Charles Gueboguo : En mai dernier, Johannesburg a accueilli une conférence régionale organisée par la Fédération internationale gay et lesbienne (Ilga). Une première sur le continent, qui a permis de donner naissance à la branche africaine de l’Ilga. Mais le militantisme reste difficile en Afrique. Au Cameroun, par exemple, toute personne ayant des relations homosexuelles peut encourir entre six mois et cinq ans d’emprisonnement. Trente-huit pays subsahariens ont des lois homophobes. La lutte contre le sida est souvent le seul moyen de faire entrer la question des minorités sexuelles, homo-, bi- ou transsexuelles, dans la sphère publique. Aujourd’hui, l’urgence est de favoriser la prévention auprès des homosexuels qui ne sont pas la cible des campagnes publiques puisqu’ils ne sont pas censés exister ! Quand on sait que le taux de prévalence du VIH chez les gays africains, qui se protègent peu, faute d’information, est l’un des plus élevés, on pourrait s’attendre à ce que cela devienne une question de santé publique prioritaire.

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Quel est le quotidien d’un homosexuel en Afrique et plus particulièrement au Cameroun ?
J’aurais tendance à dire que vivre son homosexualité est synonyme de suicide : insultes, passages à tabac, vols avec violences sont le lot quotidien des homos. Nombreux sont ceux qui optent pour la « stratégie du camouflage » : mariage et paternité. Leur vie reste très dure. En juin dernier, deux Camerounais ont été arrêtés et détenus pendant deux jours sous prétexte que leur bar de Yaoundé était un « établissement pour homos ». L’association de défense des droits de l’homme Alternatives-Cameroun les a défendus. Comment vérifier l’orientation sexuelle d’un client ? Il faudrait fermer tous les établissements camerounais dans ce cas En 2005, trente-cinq personnes soupçonnées d’être homosexuelles ont été raflées par la police dans un bar. Neuf d’entre elles sont restées un an en prison ! Toutes ont été défendues par l’avocate Alice Nkom, fondatrice de l’Association de défense des droits des homosexuels (Adefho). Mais cette mobilisation associative et juridique est un phénomène nouveau.

Peut-on imaginer demain une Gay Pride africaine ?
La Constitution sud-africaine a été la première à interdire, dès 1995, toute discrimination en fonction de l’orientation sexuelle. Et Johannesburg accueille chaque année la seule Gay Pride du continent. La vraie question est de savoir si les homosexuels en Afrique pourront un jour bénéficier des mêmes droits que ceux vivant en Europe et en Amérique. Les personnes que j’ai rencontrées pour mes recherches sont pessimistes. Pourtant, la majorité d’entre elles ne veut ni de l’adoption ni du mariage. Les homos veulent simplement pouvoir vivre en paix. Les choses évolueront lorsque les médias parleront de l’homosexualité sans préjugés et lorsque les pouvoirs publics reconnaîtront l’existence des minorités sexuelles. La mobilisation contre les lois homophobes reste embryonnaire. Tout laisse à croire que l’action des militants africains a besoin de relais internationaux pour qu’un jour, en Afrique, aimer une personne du même sexe ne soit plus un crime ou un délit.

* La Question homosexuelle en Afrique : le cas du Cameroun, L’Harmattan, octobre 2006.

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