Le FMI valide un programme d’aide au Congo-Brazzaville
Le conseil d’administration du FMI a approuvé le 11 juillet un programme triennal à destination de la République du Congo portant sur un montant de 448,6 millions de dollars. Une première tranche, de 44,9 millions de dollars, doit être immédiatement débloquée.
Si le FMI n’a pas encore rendu public le communiqué relatif à la réunion de son conseil d’administration au sujet de la République du Congo, ce 11 juillet vers 11h30 (heure de Washington) la Primature a quant à elle déjà annoncé la conclusion de l’accord tant attendu pour un arrangement financier au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC).
Cet accord, d’un montant de 448,6 millions de dollars (399 millions d’euros) sur trois ans, « doit permettre à la République du Congo de retrouver une stabilité macroéconomique et de poser les bases d’une croissance plus forte et plus inclusive », estime le FMI dans un communiqué que Jeune Afrique a pu consulter. Une première tranche, de 44,9 millions de dollars, doit être immédiatement débloquée.
Ballon d’oxygène pour les finances publiques
Ce ballon d’oxygène va constituer un répit de taille pour ce pays d’Afrique centrale englué dans une dette estimée à 10,7 milliards de dollars. « Cette décision devrait avoir un impact sur les dépenses de l’État et les revenus », souligne-t-on à l’OCDE, où l’on ajoute que « le pays devrait de nouveau pouvoir faire appel aux créanciers internationaux ».
Cette signature, en présence du ministre des Finances Calixte Ganongo, met un terme à plus de deux ans de négociations entre Brazzaville et l’institution de Bretton Woods. Les discussions, engagées en mars 2017, avaient en effet été suspendues quelques mois plus tard, après la découverte par le FMI de l’ampleur de la dette du pays. Le FMI avait depuis conditionné son retour à une politique de rigueur budgétaire et d’assainissement des finances publiques, ainsi qu’à une renégociation de la dette du Congo auprès de ses principaux créanciers.
« Les négociations du programme ont été longues et complexes parce que les autorités avaient besoin de temps pour finaliser les discussions avec leurs créanciers ayant pour but de restructurer la dette pour la rendre soutenable, explique à Jeune Afrique Alex Segura, chef de la mission du FMI au Congo Brazzaville. Les autorités devaient également bâtir un consensus interne autour d’une stratégie de gouvernance et anti-corruption de rupture avec les pratiques du passé. »
Début mai, la dernière mission de l’institution financière internationale avait rouvert la porte à un nouveau programme, saluant notamment l’accord conclu le 29 avril à Pékin entre les autorités chinoises et congolaises sur le rééchelonnement des quelque 3,15 milliards de dollars de dette congolaise détenus par la Chine, ce qui correspondrait à 35 % de la dette totale. Cet accord, dont le contenu n’avait pas été rendu public, a fait couler beaucoup d’encre, y compris parmi les conseillers du gouvernement congolais, Matthieu Pigasse, patron de la Banque Lazard, et Dominique Strauss-Kahn, de la société Parnasse, qui souhaitaient s’assurer qu’il s’agissait bien d’une réelle restructuration et non d’un simple aménagement de dette.
Première revue du programme en décembre
Le FMI avait également demandé à ce que Brazzaville fasse des progrès sur les négociations liée à sa dette (environ 30 % du total) contractée par la Société nationale des pétroles (SNPC) auprès des deux traders que sont Trafigura et Glencore.
« Assistées par leurs conseillers juridiques et financiers, les autorités ont entamé des discussions sérieuses pour restructurer leur dette envers les créanciers extérieurs privés, explique Alex Segura. Elles leur ont communiqué les paramètres qui seraient compatibles avec leur capacité de paiement pendant la période du programme. La contribution de ces créanciers est nécessaire pour rétablir la soutenabilité de la dette en 2023. L’accord de restructuration devrait être finalisée avant la première revue du programme, prévue en décembre 2019. »
D’autres groupes s’estiment eux aussi lésés, comme Commisimpex, une société de construction dirigée par Mohsen Hojeij. Ce dernier estime à 1,2 milliard de dollars la dette que lui doit le Congo-Brazzaville.
«Le FMI a demandé au Congo de négocier avec les deux autres groupes de créanciers importants avec lesquels il est en défaut. Il est manifestement injuste que le FMI semble favoriser un groupe de créanciers au détriment des autres », s’est plaint l’un de ses avocats dans un récent courrier adressé au nouveau patron intérimaire du FMI.
Poursuivre les efforts en matière de gouvernance
Au-delà de la renégociation de la dette, le changement d’attitude du FMI a été conditionné par les progrès du Congo dans la réduction de son déficit budgétaire, passé de 12,5% du PIB en 2017 à 4 % aujourd’hui.
« Cette amélioration est due en partie à la hausse de 13 % des recettes liées au prix du pétrole mais aussi à la baisse de 24 % des dépenses budgétaires dans le cadre de la consolidation budgétaire de la Cemac », détaille Arthur Minsat, chef du bureau Europe, Moyen-Orient et Afrique à l’OCDE, ajoutant qu’il faut prendre aussi en compte « la reprise des IDE dans le champ pétrolier du Moho Nord qui a permis des retombées financières pour le gouvernement, au même titre que des investissements dans les transports et l’énergie. Reste à savoir si en temps de restriction budgétaire, le gouvernement va continuer à investir ».
À présent sous haute vigilance, le Congo-Brazzaville devra continuer ses efforts sur le plan de sa gouvernance et sur la transparence dans la gestion de la dette. Le pays se situe au 165e rang sur 180 dans le classement 2018 de Transparency International, qui mesure la perception de la corruption. Il sera également attendu au tournant sur sa capacité à mener la diversification de son économie, qui tire encore aujourd’hui 80 % de ses ressources budgétaires dans l’or noir.
Soulagement pour la Cemac
Ce nouveau plan du FMI devrait également apporter un bol d’air frais à l’ensemble de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) en vue de reconstituer les réserves de change de la zone. De fait, le FMI a conclu des accords avec le Cameroun, le Gabon, et le Tchad en 2017 sans pouvoir jusqu’alors faire aboutir ceux engagés avec le Congo-Brazzaville et la Guinée équatoriale.
Le Congo-Brazzaville, qui était un des principaux contributeurs de la Cemac, a vu ses réserves s’effondrer après le contre-choc pétrolier amorcé en 2014. Au point de ne couvrir que 2,3 mois d’importations fin 2018 contre 6 mois en 2012. « Pour faire face, le gouvernement a réduit ses importations et limité les sorties de devises, rappelle Ruben Nizard, économiste chez Coface, mais, malgré la reprise de la production de pétrole – passée de 252 000 barils par jour en moyenne en 2017 à 330 000 aujourd’hui, d’après les chiffres de l’Opep -, la situation reste précaire, insiste-t-il. Le décaissement de la première tranche d’aide va pouvoir soulager les réserves de change et apaiser les tensions sur les comptes extérieurs, qui persistent malgré les prix du pétrole plus élevés. »
Selon Alex Segura, « les autorités se sont engagées à prendre des mesures concrètes supplémentaires pour améliorer la gouvernance et la transparence, en particulier dans la gestion des ressources publiques, notamment issues du pétrole. Ces efforts complètent les efforts régionaux des autres pays membre de la Cemac ».
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