Un « chien de guerre » devant ses juges
« Je suis désolé », a plaidé devant un tribunal de Malabo le mercenaire Simon Mann, accusé d’avoir voulu renverser le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, en 2004.
Mercredi 18 juin. Dans la salle transformée en tribunal du Centre international des conférences de Malabo, le public, plutôt clairsemé, retient son souffle. Au bout de trois heures d´audience, José Olo Obono, le procureur général, pose une ultime question, en espagnol, au mercenaire britannique Simon Mann, poursuivi pour son rôle dans une tentative avortée de renversement du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, en mars 2004.
« Vous avez été en prison au Zimbabwe. Vous l’êtes à présent ici. Qu’allons-nous faire de vous maintenant ? »
Assis sur une chaise, dans son uniforme gris de prisonnier, Mann écoute la traduction en anglais, puis répond :
« Je suis désolé de ce que j’ai voulu faire ici en 2003 et 2004. Je suis presque heureux que nous ayons échoué. »
De fait, tout au long de son procès, qui s’est ouvert le 17 juin, l’accusé s’est montré fort coopératif. De ses déclarations, il ressort que le rôle principal dans le complot aurait été joué par Ely Calil, un homme d’affaires britannique d’origine libanaise qui a eu ses entrées dans nombre de palais présidentiels, de Dakar à Abuja en passant par Cotonou. Un jour, au Gabon, Calil, qui sait que Mann a été mercenaire en Angola et en Sierra Leone, lui demande s’il est envisageable qu’il devienne « faiseur de roi » en Guinée équatoriale. Boutade ? Non, il s’agit rien de moins que de renverser Obiang Nguema et de le remplacer par l’opposant Severo Moto, exilé en Espagne. Mann comprend ce qu’on attend de lui et accepte. Lors de son procès, il soutiendra qu’il n’était pas d’accord pour un assassinat. Ses motivations ? L’argent.
La seconde étape a lieu à Madrid, où Calil et Mann se rendent à trois reprises, en 2003 et 2004, pour rencontrer Severo Moto. Il est question d’installer celui-ci au pouvoir avec, paraît-il, la bénédiction de José María Aznar, à l’époque Premier ministre.
Les instigateurs du complot se retrouvent ensuite à Londres, où un nouveau personnage entre en scène : Mark Thatcher, fils de l’ancienne Première ministre britannique. Jusque-là, Thatcher Jr (qui vit aujourd’hui en Espagne) était considéré comme un simple financier de l’opération. Mais Mann insiste : il en était bel et bien partie prenante – et même l’un des protagonistes les plus importants.
Autres révélations du mercenaire : l’implication des services de renseignements sud-africains et les bonnes dispositions manifestées par certains responsables américains et plusieurs dirigeants de compagnies pétrolières, apparemment peu effarouchés par l’idée d’un coup d’État. En février 2004, Mann et une soixantaine de ses compagnons sont arrêtés au Zimbabwe alors qu’ils s’apprêtent à embarquer pour Malabo.
D’autres noms sont apparus au cours du procès. Celui, par exemple, de Mohamed Salaam, un homme d’affaires libanais proche de Calil. Salaam est arrivé en Guinée équatoriale en 2000, avant d’être recruté, un an plus tard, comme agent de renseignements par le gouvernement d’Obiang Nguema. Ou celui de Fortunato Ofa Mbo, actuel ministre secrétaire général de la présidence. En 2002, à l’époque où il dirigeait le ministère de la Pêche, Ofa Mbo aurait été sollicité par Calil, via son ami Salaam, pour un projet de création d’une entreprise de surveillance maritime. En réalité, il se serait agi d’une « couverture » pour permettre à Mann de se rendre à Malabo.
Ce dernier encourait la peine de mort, mais, avant d’accepter de l’extrader, les autorités zimbabwéennes ont posé une condition : qu’il ne soit pas exécuté. Promesse tenue.
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