Madagascar proclame son indépendance
26 juin 1960
Rassemblée devant l’ancien palais de la reine, au coeur d’Antananarivo, la foule a l’espoir des lendemains qui chantent. « Demain, vous serez de nouveau un État, comme vous l’étiez lorsque ce palais était habité », leur déclare le général de Gaulle, en visite dans la capitale malgache, en août 1958.
Deux ans plus tard, Madagascar signe sa déclaration d’indépendance avec la métropole française. Une liberté « cueillie en douceur », le 26 juin 1960, selon les termes du premier président de l’île, Philibert Tsiranana. Côté français, seul Jean Foyer, secrétaire d’État chargé des Relations avec la communauté au cabinet du Premier ministre Michel Debré, a fait le déplacement. La France suit l’événement de loin. Comme elle l’a, en quelque sorte, toujours fait : en 1896 déjà, lors de son intégration à l’empire colonial français, la Grande Île était considérée comme trop vaste, trop lointaine et trop compliquée à gouverner compte tenu de ses nombreuses divisions ethniques Un jour sans grande solennité donc, mettant un terme à un long processus de négociation.
Déclarée territoire d’outre-mer autonome par la loi-cadre Defferre de 1956, Madagascar organise un référendum d’autodétermination en septembre 1958. Au lendemain de la visite de Charles de Gaulle, le « oui » l’emporte grâce aux voix des électeurs ruraux Car, dans la capitale, on se prononce plutôt contre l’indépendance. L’élite urbaine malgache reste très attachée à l’influence occidentale et aux valeurs chrétiennes françaises. Un héritage colonial que le premier président Tsiranana tentera de maintenir coûte que coûte, et qui accentuera l’écart entre la population d’Antananarivo et celle des provinces.
Dans les campagnes, en effet, et notamment sur la côte est de l’île, on garde un goût amer de la lutte pour l’indépendance. La journée du 29 mars 1947 reste dans toutes les têtes : Paris avait alors envoyé des troupes pour mater un soulèvement populaire contre les colons français. Historique dans le processus de décolonisation, cette date n’en a pas moins été occultée pendant longtemps par les gouvernements malgaches et français. Pendant plus d’un mois et dans le plus grand silence, la répression fait des milliers de victimes. Exécutions sommaires, tortures, incendies de villages : l’armée française testait une nouvelle technique de « guerre psychologique », jetant des suspects du haut des avions pour terroriser la population. Si la France a rayé ce douloureux épisode de sa mémoire collective, il est resté fortement ancré dans les esprits malgaches.
Aux premiers jours de la nouvelle République pourtant, un processus de réconciliation est mis en Âuvre. Tsiranana obtient la libération des rebelles de l’insurrection de 1947, rassurant ainsi les leaders nationalistes. Car les liens qui relient Madagascar à la France restent très forts. Pour preuve, dans la déclaration d’indépendance de 1960, les deux pays s’engagent à ce que « l’amitié traditionnelle reste intacte », et scellent une étroite coopération culturelle, économique et militaire.
Ce n’est qu’en 1972, à la suite de la réélection de Philibert Tsiranana, que ces liens seront remis en cause. Pendant plusieurs mois, la Grande Île est affectée par les mouvements de grève et des manifestations. Victime de cette instabilité, le chef de l’État est désavoué par son peuple. Lors du référendum du 8 octobre, 94 % des électeurs réclament son départ. D’une seule voix, les Malgaches s’expriment en faveur d’une nouvelle indépendance. Une fois Tsiranana déposé, les accords de coopération franco-malgache seront révisés, Madagascar sortira de la zone franc et les forces françaises présentes sur l’île seront évacuées.
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