Le pire est à venir
Au moment où Simon Mann, le Bob Denard anglophone, comparaissait en pyjama à Malabo pour y répondre de la pitoyable épopée du Wonga Coup (littéralement : « le coup pour un tas de fric », titre d’un livre consacré à ce flop magistral que fut la tentative de renversement d’Obiang Nguema en mars 2004), l’actrice et activiste américaine Mia Farrow faisait savoir qu’elle avait pris contact avec Blackwater, la plus importante société de sécurité au monde – en réalité, une armée privée -, afin d’étudier les modalités de son intervention au Darfour.
Une concomitance hautement symbolique, un passage de témoin en quelque sorte, qui marque la fin d’une époque. Simon Mann est sans doute l’ultime avatar d’une longue lignée d’« affreux » et de « chiens de guerre » qui, de Jean Schramme aux pieds nickelés du « complot d’IB » à Abidjan, en passant par Mike Hoare et l’incontournable Bob des Comores, avaient fait de l’Afrique leur terrain de chasse.
Du Congo au Biafra et de Cotonou à Moroni, le scénario a toujours été – à quelques variantes près – identique au fiasco de Malabo. Un casting sulfureux, parfois pittoresque et toujours photogénique mêlant soldats de fortune, financiers occultes, fils de bonne famille, têtes brûlées et opposants prêts à s’emparer du pouvoir, avec, en arrière-plan, le feu orange de telle ou telle puissance ex-coloniale (France, Belgique, Royaume-Uni, Espagne) prompte à démentir, la main sur le cÂur, toute participation dès que l’affaire tournait mal.
Clap de fin pour les mercenaires, donc, et place aux « contractuels » policés et politiquement corrects de Blackwater, qu’en toute inconscience Mia Farrow et les « people » de la cause du Darfour voudraient voir débarquer en terre soudanaise afin d’y sécuriser les camps de réfugiés.
Erik Prince, le patron et fondateur de cette société déjà présente en Irak et en Afghanistan – où ses multiples bavures ont défrayé la chronique -, n’a rien d’un aventurier en rangers. Fils de milliardaire et chrétien ultraconservateur tendance Bush, cet Américain de 39 ans gère son entreprise comme une multinationale, cotise au Parti républicain, nourrit son staff d’anciens du Pentagone et de la CIA et ne s’engage qu’avec l’accord de son gouvernement – lequel lui a déjà octroyé pour 1 milliard de dollars de contrats.
Pionniers de la privatisation des guerres, ses quelque cinq mille hommes n’ont que peu de chose à voir avec les bricolos de Simon Mann et les sous-offs bedonnants et à la retraite de Bob Denard. Ces men in black tuent avec d’autant plus de science, d’application et de bonne conscience qu’ils sont autorisés à le faire (au besoin sous couvert d’humanitaire) et que nul tribunal pénal international ne viendra leur chercher des poux dans la tête.
Interrogée sur les conséquences potentiellement dévastatrices de sa démarche, Mia Farrow a eu cette réponse hallucinante : « A-t-on demandé à Hitler de choisir l’armée qui allait mettre un terme au génocide des Juifs ? » Pour un peu, on regretterait Simon Mann et le fantôme de Bob : eux, au moins, ils échouaient neuf fois sur dix. Une chose est sûre : l’Afrique n’en a pas fini avec les apprentis sorciers.
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