Esclave et heureuse de l’être
Chasseurs d’esclaves, c’est l’histoire d’un jeune garçon prénommé Bilal, parti à la recherche de Habbi, sa soeur. Laquelle se trouve être depuis sa naissance la propriété d’un maître. Ce documentaire de quarante-cinq minutes réalisé par Sophie Jeaneau et Anna Kwak constitue un instantané saisissant des contradictions du phénomène de l’esclavage aujourd’hui en Mauritanie. Diffusé le 24 juin sur la chaîne franco-allemande Arte, il confirme que cette pratique domestique ancestrale, quasi invisible avec ses esclaves sans chaînes ni boulets aux pieds, trois fois abolie au XXe siècle et criminalisée par la loi en août 2007, est encore profondément enracinée dans les mÂurs.
La caméra suit l’équipée en brousse, à bord d’un 4×4, d’Aminetou et Biram, deux membres de l’association SOS Esclaves mandatés par la Commission nationale des droits de l’homme pour faire appliquer la loi. Ils accompagnent Bilal, animé pour sa part du seul espoir de délivrer sa soeur.
Le trio se heurte à la mauvaise volonté manifeste, pour ne pas dire l’obstruction systématique, de la police et du préfet local, qui, filmé en caméra cachée, conteste la présence des journalistes parce qu’on « ne doit pas attirer le regard de l’étranger sur des réalités très spécifiques ». Dans sa bouche, le mot « esclavage » est simplement tabou. Ce qui n’a rien de surprenant puisque, à l’Assemblée nationale, un député n’a pas hésité à soutenir que cette pratique avait disparu et qu’il n’en demeurait plus que des « séquelles ».
Mais la résistance la plus farouche vient de Habbi elle-même. L’affaire tourne à l’absurde quand, enfin retrouvée par son frère, la jeune fille hurle qu’elle n’est « pas une esclave » et ne se résout à monter dans le véhicule que contre son gré et en larmes. « Elle est aussi enchaînée psychologiquement », explique Aminetou. Arrivée à Nouakchott, l’affranchie finira par retrouver le sourire Ses anciens maîtres ont, eux, refusé de témoigner.
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