Ville sous influences

Les quartiers, qui résonnent encore du passage des colons portugais, anglais et allemands, accueillent des populations venues de toute l’Afrique centrale.

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

New Bell, Akwa, Deido, Madagascar, Brazzaville, Kassalafam… Ces noms évoquent plus que les quartiers de Douala, ils retracent l’histoire de la ville et des populations qui sont progressivement venues s’y installer.
Douala conserve beaucoup d’empreintes de l’époque coloniale. Celle des Portugais, d’abord, qui donnèrent son nom au pays après avoir débarqué, à la fin du XVe siècle, dans un estuaire du Wouri gorgé de camaroes, les crevettes. Deuxième marque, celle des Anglais. Ce qu’ils surnomment Akwa Town ou Cameroon Town en 1826 n’est alors qu’un ensemble de villages posés sur les plateaux dominant le fleuve. Chacun a son « King » et correspond à l’implantation d’un lignage douala, maîtres des lieux depuis le XVIe siècle : Deidos (Bonakuamangs), Akwas et Njos (Bell). Deido est la transcription phonétique de « Dido », une corvette anglaise qui mouilla un temps à proximité du plateau.
Juillet 1884 : un traité entre les Doualas et les Allemands place le « Kamerun » sous protectorat du gouvernement impérial. C’est à Joss, un quartier du plateau occupé par les Bell, que s’implantent ces derniers. « Joss » est une déformation du prénom anglais George donné au roi Bell Doo la Makongo, également surnommé « King George » ou « King Joss », qui régnait à l’époque. Quant à Bell, c’est une anglicisation de « Bele », prénom du fils cadet du King Joss, préféré comme chef à son frère aîné « Priso » (déformation de l’anglais « Prince »), dont le quartier Bonapriso tire son nom.
En 1914, les Allemands fuient devant les Alliés et laissent la place aux Français. Entre les deux guerres mondiales, la ville a besoin de bras. Elle recrute sa main-d’oeuvre parmi les « étrangers », entendez les non-Doualas. Une partie d’entre eux s’installent à Nouveau Bell, qui devient vite New Bell – et ses variantes New Bell Bamiléké, New Bell Bassa, New Bell Haoussa -, un ensemble de terrains que l’administration allemande avait réservés aux Bell. Chassés de Joss, ceux-ci se sont établis sur le plateau de Bali, moins marécageux.
Parmi ces « étrangers », les populations originaires des Grassfields du Nord-Ouest vont prendre une place croissante. En 1956, les Bamilékés représentent 26 % de la population, soit plus que les Doualas eux-mêmes. Ils affirment en outre leur mainmise sur le commerce. Plus tard, ils investiront l’industrie. Les plus riches vivent à Bonanjo ou Bonapriso, les autres à New Bell, Bassa-Sud et New Deido. Des migrations plus récentes concernent les populations du Centre, en particulier les Ewondos.
En tant que port et centre économique, Douala a également attiré Africains, Européens et Asiatiques. La ville compte ainsi beaucoup de ressortissants de la sous-région – Tchad, Centrafrique, Congo, Gabon – qui ont fui la guerre ou la pauvreté sévissant dans leurs pays. Les Nigérians restent les plus nombreux.
La toponymie témoigne ainsi de l’installation, au fil des années, de ces populations venues d’ailleurs, chaque ethnie donnant son nom à l’emplacement où elle a élu domicile. Pour preuve, les quartiers Congo, Kassalafam I, jolie déformation de Kassa farm (« la ferme du manioc », en pidjin), Madagascar et Brazzaville, très éloignés physiquement et sociologiquement de la ville « historique ». Nkol olum (« la montagne en colère ») ou Ndzon me bi (« le chemin des déchets », en ewondo), sont autant de lieux dont l’origine linguistique atteste la présence de groupes humains originaires de régions éloignées de Douala. Quant à l’avenue Ahidjo, l’une des artères les plus commerçantes de la ville, elle a été successivement rebaptisée « rue des Grecs », à cause du grand nombre de magasins appartenant à la communauté hellène et syro-libanaise, puis « rue des Indiens », depuis que les Indo-Pakistanais l’ont investie. Si la ville s’est « internationalisée », les Doualas n’ont toutefois pas tout cédé. Ils sont restés maîtres du terrain dans les quartiers nord, et leur langue a été adoptée par bon nombre « d’étrangers ».

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