Une mouvance plurielle

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

La défiance exprimée à l’égard du CFCM n’est pas l’apanage d’Amo Ferhati. Le Conseil français du culte musulman venait à peine de naître que les initiatives visant à le contenir se multipliaient. Un « appel de mai », publié dans l’hebdomadaire Marianne et signé par une quinzaine de personnalités, dont Rachid Kaci, président de Democratia, ou l’anthropologue Malek Chébel, invitait à « se mobiliser et à agir pour défendre une conception moderne de l’islam en phase avec son époque ». Sans nier l’importance protocolaire du CFCM, des personnalités du monde associatif ont dénoncé une représentation uniquement religieuse des musulmans de France : « Certes, nous sommes ravis que l’islam soit admis dans la République, affirme l’ancien président d’Unir (Union nationale de l’initiative républicaine), Kamel Ben Amra, car c’est une reconnaissance de facto. Mais est-ce que le CFCM a vocation à régir la vie civile de tous ceux qui sont d’origine musulmane ? Ce serait une erreur monumentale, car il s’agirait alors d’un droit constitutionnel régi par l’islam.
S’inscrivant dans la même démarche, l’industriel franco-algérien Yazid Sabeg, appuyé par des personnalités comme Régis Debray ou Saïd Bouziri de la Ligue des droits de l’homme, a lancé une Convention laïque pour l’égalité des droits et la participation des musulmans de France (Clé), dont le congrès se tiendra à la rentrée prochaine. « Personnellement, je ne me sens pas concerné par le CFCM, confie-t-il. Avec ma fille, nos débats ne portent pas sur le foulard, mais sur le chômage des jeunes issus de l’immigration. » La Clé entend surtout être une force de propositions destinée à lutter contre les discriminations
sociales ou la persistance des ghettos.
Enfin, il y a ceux qui misent sur les itinéraires personnels ou les clubs de réflexion. « La normalisation de l’intégration ne se fera pas avec des oukases, affirme Kamel Ben Amra. Nous sommes passés du militantisme d’agitation des années quatre-vingt aux réseaux associatifs. Il faut maintenant s’ouvrir à la société d’accueil. Nous gagnerions à lancer des clubs de réflexion où l’intelligence transcende les différences, à nouer des contacts avec le monde de l’entreprise. »
Quant au danger que fait peser l’institution religieuse sur l’avenir de la communauté,
Ben Amra ne s’en inquiète pas outre mesure : « Aider à la construction de l’islam est une étape. À terme, le ministère de l’Intérieur n’aura plus le même engagement pour porter le CFCM comme il l’a fait, et les laïcs seront là pour l’observer à la loupe. »
D’aucuns voient dans la mouvance laïque née en réaction à la création du CFCM une réactivation du mouvement beur des années quatre-vingt, relayé par ses leaders historiques, le plus souvent d’origine algérienne et plus précisément kabyle. Considérant le CFCM comme un avantage concédé par le ministère de l’Intérieur aux seuls représentants religieux de la communauté, ces acteurs associatifs entendent rappeler au pouvoir français qu’il n’y a pas que des impératifs de sécurité, mais aussi une exigence de citoyenneté, et que créer un cadre protocolaire pour l’islam ne signifie pas mettre fin à la discrimination dont sont victimes les musulmans. Aujourd’hui, les revendications de
ces élites laïques paraissent d’autant plus nettes que les contours de leurs adversaires traditionnels les barbus sont précis et officiels. Seul fait nouveau : les laïcs d’aujourd’hui ne nient pas, ni n’entendent évacuer leur composante musulmane. Le 11 septembre a rappelé à tous qu’ils sont « désormais établis comme musulmans dans le regard des autres », comme dit Yazid Sabeg, et qu’il ne sert à rien de le nier.

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