Un concentré de Cameroun

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

« Il y a, bien sûr, Douala-ville, prise entre forêt et mer, ornée de palaces où des Nègres-blanchisés paressent sur des rocking-chairs et trouvent dans cet état leur raison d’être ; des écoles publiques nationales, où les enfants s’époumonent avec des « nos ancêtres les Gaulois » ; des administrations où l’on détourne les fonds publics ; des faux coups d’État et des vraies intrigues d’alcôves… Puis, tout en dessous, indiqué par une flèche sur la carte de la ville – le lieu de honte pour les autorités -, exactement à l’endroit où la route commence à se défoncer, vivent des êtres étranges, qui ne jouissent pas des avantages de vivre dans une grande cité, mais qui ont perdu ceux d’une vie campagnarde.
« De chaque côté de l’avenue, les maisons poussent, collées les unes aux autres. Elles sont construites avec les vomissures de la civilisation : des parpaings fabriqués à la vite-fait, trois quarts sable, reste ciment ; des épieux tordus, souvenirs du village ; de la ferraille rouillée ; quelques tuiles dépareillées qui se marient artistiquement avec la tôle ondulée ou la paille ; un peu de sang, beaucoup de sueur, énormément de rêve. »
Douala, c’est encore Calixthe Beyala qui en parle le mieux. Originaire des rives du Wouri, cette écrivain est née dans le quartier populaire de New Bell. Plus que dans tout autre de ses livres, Douala est omniprésent dans Les Honneurs perdus, roman qui lui a valu en 1996 le Grand Prix de l’Académie française. Cette ville pour le moins romanesque servit de décor à plusieurs de ses ouvrages. Car Douala est étonnant à plus d’un titre. Dans cette cité à la culture métisse se croisent et cohabitent Peuls et Foulbés venus du Nord, Bassas et Bétis de la forêt, Bamouns et Bamilékés originaires des Grasslands. Creuset de l’agitation politique, elle fut longtemps le fief de l’opposition camerounaise. Des journées « ville morte », consécutives à la présidentielle de 1992, aux victoires électorales du Social Democratic Front, l’agglomération a toujours eu la réputation d’être frondeuse. Et même si le parti au pouvoir y a aujourd’hui repris l’avantage, ses habitants, qui conservent un vieux fond libertaire, cachent à peine la commisération que leur inspirent les fonctionnaires de Yaoundé.

Ville d’accueil ou de transit, ce « concentré de Cameroun » frappe le visiteur par son bouillonnement extrême. Hyperactive, survoltée, la capitale économique est en pleine mutation. Reste à savoir si elle saura préserver son âme. Alors que Lagos ou Johannesburg ont perdu de leur dimension humaine à mesure que leur population augmentait sous l’effet de l’exode rural, Douala s’efforce de garder son identité. Souhaitons-lui de la conserver très longtemps…

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