Quartorze objections contre la paix

Les réserves attachées par l’État hébreu à son acceptation de la feuille de route altèrent la philosophie même du projet.

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 5 minutes.

Prises en considération « pleinement et sérieusement », comme l’a promis George W. Bush à Ariel Sharon, les réserves attachées par Israël à son acceptation ambiguë de la feuille de route du Quartet ne manqueraient pas d’altérer la philosophie même du projet. Mieux vaudrait donc, comme l’a conseillé à Mahmoud Abbas le même George W. Bush, ne pas les « prendre au sérieux ». Voici la substance de ces quatorze « mais ».

1/ Un calme absolu devra précéder la mise en oeuvre du processus de paix, puis régner durant sa poursuite, ce calme conditionnant le passage d’une étape à l’autre. Les Palestiniens devront remanier leurs organismes de sécurité afin de prévenir et de combattre le terrorisme et la violence par des arrestations, des interrogatoires, des enquêtes, des poursuites et des condamnations.
Dans cette première phase, en vue de passer à la seconde, les Palestiniens devront démanteler les organisations terroristes (Hamas, Djihad islamique, Front populaire, Front démocratique, Brigades d’el-Aqsa…), collecter les armes illégales et les remettre à une tierce partie pour être détruites.

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2/ Le passage d’une phase à l’autre ne pourra intervenir qu’après la pleine application des mesures prévues à la phase précédente. Cela, sans considération d’un calendrier précis. [Il n’est pas question ici du parallélisme prévu par la feuille de route quant aux obligations à remplir par chaque partie.]

3/ L’émergence d’une nouvelle et différente direction palestinienne, dans le cadre d’une réforme gouvernementale, conditionne le passage à la deuxième phase du plan. Des élections au Conseil législatif palestinien seront organisées en coordination avec Israël.

4/ Le mécanisme de contrôle sera confié à une direction américaine. Ce contrôle s’effectuera par secteurs (économique, juridique, financier) sans qu’il existe un mécanisme unifié. Les décisions de fond resteront entre les mains de chaque partie. [Cela exclut les représentants du Quartet, contrairement aux stipulations de la feuille de route.]

5/ L’État palestinien provisoire [prévu pour 2003 par la feuille de route] aura des frontières provisoires et quelques éléments de souveraineté ; il sera totalement démilitarisé, à l’exception de forces de police et de sécurité intérieure dotées d’un armement limité. Il n’aura pas le droit de contracter des alliances ou des accords de coopération militaire. Israël contrôlera l’entrée et la sortie de toutes les personnes et marchandises, tout comme l’espace aérien et le « spectre électromagnétique » de cet État.

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6/ En rapport avec les déclarations initiales et avec l’accord final, des assurances explicites doivent être données sur le droit d’Israël à exister comme État juif et sur l’abandon de tout droit au retour des réfugiés palestiniens dans l’État d’Israël. [La feuille de route prévoit seulement, à la fin de la phase I, une déclaration confirmant le droit d’Israël à exister en paix et en sécurité. Une solution « juste et réaliste » du problème des réfugiés est renvoyée en 2005 dans le cadre d’un accord final, à l’issue d’une conférence internationale.]

7/ La fin du processus ne conduira pas seulement à la fin du conflit mais à l’abandon de toute autre revendication.

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8/ L’accord final sera conclu grâce à des négociations directes entre les deux parties, conformément à la « vision » définie par le président Bush dans son discours du 24 juin 2002. [Cela exclut la conférence internationale convoquée par le Quartet, que prévoyait la feuille de route.]

9/ Les questions dépendant de l’accord final ne seront pas discutées auparavant. Soit, notamment : les colonies en Judée-Samarie [Cisjordanie] et à Gaza (à l’exclusion du gel des implantations et du problème des avant-postes illégaux) ; le statut de l’Autorité palestinienne et de ses institutions à Jérusalem. [La feuille de route prévoyait, dès la phase I, le gel de toute activité de colonisation, y compris celle qui invoquerait une « croissance naturelle », plus le démantèlement de tous les points de colonisation érigés depuis mars 2001.]

10/ L’accord final ne devra faire référence qu’aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité : et encore, seulement comme une base pour de futures négociations sur un règlement permanent [ce qui exclut la résolution 1397, ainsi que l’initiative du prince héritier saoudien Abdallah, adoptée en mars 2002 à Beyrouth par la Ligue arabe et qui offre à Israël la paix et la sécurité en échange d’un accord global].

11/ Une Constitution palestinienne provisoire sera adoptée, ainsi qu’une infrastructure juridique, en coopération avec Israël.

12/ Le déploiement des forces d’Israël le long des lignes de septembre 2000 dépendra des stipulations de l’article 4 (calme absolu) ; il sera effectué en tenant compte des changements dus aux nouvelles circonstances et des besoins qu’elles auront créés. L’accent sera mis sur le partage des responsabilités et celui de l’autorité civile en septembre 2000 et non sur la situation des forces sur le terrain à cette époque. [Sans ces acrobaties verbales qui permettront toutes les échappatoires, la feuille de route édictait simplement que Tsahal devrait se retirer des zones occupées depuis le 28 septembre 2000 et rétablir le statu quo ante.]

13/ À condition que la sécurité soit assurée, Israël restaurerait pour les Palestiniens une vie normale : en améliorant la situation économique, en cultivant les rapports commerciaux, en encourageant et assistant les activités des organisations humanitaires reconnues. Cela, sans référence au rapport Bertini. [Ce rapport prescrivait explicitement l’amélioration des conditions humanitaires, la levée des couvre-feux et des restrictions sur les mouvements des personnes et des biens, ainsi que l’accès sans restriction du personnel international et humanitaire.]

14/ Les États arabes favoriseront le processus de paix par une condamnation de l’activité terroriste. Aucun lien ne sera établi entre la négociation palestinienne et les autres négociations (avec la Syrie et le Liban). [La feuille de route prévoyait au contraire une conférence internationale visant à une paix globale au Moyen-Orient, notamment entre Israël et la Syrie et Israël et le Liban.]

On peut résumer le sens de ces amendements en observant qu’ils suivent deux lignes directrices :
– mettre systématiquement l’accent sur la « sécurité » (calme absolu) : de sorte qu’Israël peut, à tout moment, se soustraire à ses engagements, au prétexte qu’elle ne serait pas suffisamment assurée ;
– écarter du processus de paix les représentants du Quartet, pourtant auteurs de la feuille de route (et toute idée des conférences internationales qu’ils préconisent) au profit d’une simple relation bilatérale entre Israël et les États-Unis.

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