Parlons pétrole

Publié le 25 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Il y a tout juste trois mois, les États-Unis (et la Grande-Bretagne) envahissaient l’Irak. Ils venaient, disaient-ils, libérer les Irakiens de la dictature de Saddam Hussein et chercher, pour les détruire, les armes de destruction massive dont le dictateur menaçait les États-Unis et le monde (pas moins !).
« Nous ne laisserons pas les armes les plus dangereuses du monde entre les mains des dirigeants les plus dangereux », avait claironné George W. Bush.
Les Irakiens ont été libérés de la dictature, mais ils se sentent occupés par une armée étrangère et, comme le montrent les images de la télévision, leur pays est redevenu ce qu’il était il y a… soixante-quinze ans : une colonie anglo-saxonne.

À ce jour, les Américains n’ont découvert aucune arme de destruction massive, mais ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient vraiment (et étaient assurés de trouver) : le pétrole irakien, sur lequel ils ont mis la main et qui retrouve, à partir de la semaine prochaine, une place grandissante sur le marché international.
C’est un magnifique butin puisque, grâce à lui, pour la première fois depuis trente ans, les États-Unis vont bientôt pouvoir, à la place de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), régler le volume de pétrole commercialisé dans le monde et, par conséquent, son prix.
Parlons donc pétrole.

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S’agissant du brut irakien, Jean-François Giannesini, ingénieur en chef à l’Institut français du pétrole, écrivait, le jour où l’armée américaine occupait Bagdad :
Ceux qui auront la charge de gouverner l’Irak feront les arbitrages en fonction de leurs intérêts. Un gouvernement américain choisira très probablement de privilégier le paiement de la guerre au détriment de la reconstruction, de l’amélioration des conditions de vie en Irak et… du remboursement de la dette. D’autant que certains pays créanciers, France et Russie en particulier, ont été des opposants farouches aux opérations militaires.
D’autre part, les Américains pousseront le développement pétrolier en faveur essentiellement de leurs compagnies. Quitte à faire imploser l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), en exonérant l’Irak par un moyen ou un autre des contraintes de l’organisation de Vienne.

Un autre expert confirme l’analyse et aboutit à la même conclusion : le contrôle du pétrole irakien a été le moteur de la guerre d’Irak ; les États-Unis ne lâcheront pas le butin.
À cela, plusieurs raisons, énumérées ci-dessous :
– Une croissance économique soutenue n’est possible qu’avec un accès à un pétrole abondant et bon marché.
– Posséder du pétrole ne rend pas puissant – les pays arabes producteurs de pétrole ne le sont pas -, mais, à n’en pas douter, cela rend riche.
– Le Moyen-Orient, c’est 31 % de la production mondiale de pétrole, mais seulement 6 % de sa consommation, tandis que l’Amérique du Nord représente 18 % de la production et 30 % de la consommation. À cela s’ajoute le fait que les États-Unis ne détiennent que 3 % des réserves mondiales de pétrole, contre 65 % pour le Moyen-Orient.
– Aujourd’hui, l’économie américaine dépend du golfe Arabo-Persique – principalement de l’Arabie saoudite – pour environ 14 % de sa consommation d’or noir, mais ce chiffre va augmenter.
– Certains experts prédisent en effet que, dès 2008, les réserves de pétrole des pays n’appartenant pas à l’Opep vont chuter et que, sauf avancée technologique majeure, il y aura chez eux moins de pétrole à partir de 2010.
– L’importance stratégique croissante du pétrole du Moyen-Orient garantit que les États-Unis vont chercher à accroître leur influence dans cette région plutôt que de la diminuer. En plus de l’Irak, l’Arabie saoudite elle-même – alliée instable et terrain fertile pour le réseau el-Qaïda – et le Koweït devraient devenir davantage encore que par le passé des protectorats américains, tout comme l’ont été, pour d’autres raisons, l’Allemagne et le Japon après la Seconde Guerre mondiale.
Et l’Afrique dans tout cela ? Quel est son poids pétrolier ? Pas négligeable.
Le tableau ci-dessus lui donne 77,4 milliards de barils de réserves prouvées, soit 7,4 % des réserves mondiales (pour une population de 832 millions de personnes, soit 13,4 % de la population mondiale). C’est mieux que l’Asie (hors Moyen-Orient) et mieux que l’Amérique du Nord (hors Mexique).

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